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jeudi, 18 octobre 2018

Les contours du registre UBO belge sont à present connus

La Loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l'utilisation des espèces (ci-après « la loi anti-blanchiment ») annonçait l’arrivée d’un “registre UBO” belge (abréviation anglophone de « Ultimate Beneficial Owners »). Ce « registre UBO » est une base de données centralisant (à l’initiative de l’Europe) certaines informations requises par la loi sur tous les « bénéficiaires effectifs » ou « UBO’s » (l’abréviation anglaise de « Ultimate Beneficial owners ») des sociétés et autres entités visées. Nous vous renvoyons vers nos newsletters précédentes en ce qui concerne nos premiers commentaires sur la loi du 31 mars 2017.

La portée concrète et les modalités pratiques d’implémentation du registre étaient, jusqu’à présent, assez peu claires. En particulier en ce qui concernait le contenu des informations à réunir et communiquer, l’accès au registre ou l’utilisation des informations reprises dans le registre.

Ces modalités de fonctionnement ont à présent été fixées en exécution de la Loi dans l’arrêté royal du 30 juillet 2018 (M.B. 14 août 2018, 2e éd., p. 64.620) (ci-après « l’arrêté royal ») qui entrera en vigueur le 31 octobre 2018.

L’arrêté royal qui règle les modalités pratiques du registre UBO en exécution de la loi anti-blanchiment ainsi que le Rapport au Roi, prévoient que la date limite pour transférer pour la première fois ces informations au registre UBO est le 30 novembre 2018. Cette date a été fixée en raison du délai légal d’un mois prévu pour que les entités redevables de l’information rapportent les informations exigées. Dans une FAQ publiée récemment – consultable via le site web du SPF Finances – cette deadline a été postposée au 31 janvier 2019. Suivant une communication publiée sur le site du SPF Finances, ce délai a, entre temps, encore été repoussé jusqu’au 31 mars 2019 en concertation avec les acteurs du secteur.

« Bien que lentrée en vigueur de larrêté royal est fixée au 31 octobre 2018, vous disposez d’un délai étendu au 31 mars 2019 pour encoder vos bénéficiaires effectifs pour la première fois. »

Ci-après nous commentons déjà les principales implications pratiques de l’arrêté royal, tant pour les entités redevables de l’information que pour les UBO’s eux-mêmes.

Implications pratiques pour les entités redevables de l'information

Obligation anuelle de communication

Les administrateurs et les trustees des entités redevables de l’information concernées doivent rassembler de manière actuelle et adéquate les informations relatives à leurs bénéficiaires effectifs et aux intérêts économiques qu’ils détiennent, conserver ces informations et les communiquer annuellement à un service spécifiquement constitué au sein de « l’Administration de la Trésorerie ». Cette obligation de communication s’effectuera en pratique via un formulaire électronique disponible depuis le 27 septembre 2018 sur le site web du SPF Finances via l’e-service (portail MyMinfin) https://finances.belgium.be/fr/E-services/ubo-register

Selon la FAQ, le module permettant de donner un mandat externe par lequel un expert-comptable, conseiller fiscal, personne physique ou morale sera mandaté pour remplir les informations requises dans le registre UBO sera disponible à la fin du mois d’octobre 2018.

En cas de non-respect de cette obligation de déclaration, une amende administrative de minimum 250 EUR et maximum 50.000 EUR pourra être infligée. Le texte de l’arrêté royal laisse entendre que de telles amendes administratives ne pourraient pas être infligées à des trustees ou fiduciaires.

Entités redevables de l'information

La loi distingue les catégories d’entités redevables de l’information suivantes:

  • Les sociétés – quelle que soit leur forme juridique – ce qui implique que la société de droit commun doit également être considérée comme une entité redevable de l’information;

  • Les associations (internationales) sans but lucratif et les fondations;

  • Les trusts et les fiducies (dont les trusts étrangers à certaines conditions);

  • Les entités juridiques similaires aux fiducies et aux trusts. Un arrêté royal devrait clarifier quelles entités juridiques sont visées ce qui n’a pas encore été fait actuellement.

Pour les trusts, l’information visée doit être communiquée au registre s’il s’agit d’un “trust belge” (ce qui de facto est un non-sens vu que le trust n’est pas une construction juridique reconnue en droit belge) mais également lorsque le trustee ou le fiduciaire est établi en Belgique ou si le trustee ou le fiduciaire, qui ne sont pas établis dans un état membre de l’EEE, ont une relation d’affaires en Belgique (par ex. l’ouverture d’un compte en banque) ou s’ils acquièrent un bien immobilier au nom du trust. Dans ce dernier cas, les trustees étrangers peuvent, dans le cadre de leur obligation d’identification, se contenter de fournir à l’administration de la Trésorerie un extrait de l’information sur l’UBO qui est mentionnée dans un registre similaire d’un autre état membre.

Informations à declarer

Un mimimum d’informations sur chaque UBO doit être enregistré dans le registre, parmi lesquelles ses données d’identification générales (à savoir son nom, son prénom, sa date de naissance, sa nationalité, son numéro de registre national, son numéro d’entreprise ou un numéro d’identification similaire), son adresse de résidence complète et la date à laquelle il est devenu bénéficiaire effectif de l’entité redevable de l’information. Ces informations doivent être étayées de documents justificatifs. Dans la FAQ, il est notamment fait référence à une copie de la carte d’identité/du passeport de l’UBO, à l’acte constitutif et aux statuts de la société et au registre des actionnaires.

On doit mentionner, pour chaque UBO, à quelle “catégorie juridique” de bénéficiaire effectif il ou elle appartient.

Spécifiquement pour les sociétés, les informations qui doivent être communiquées au registre UBO ne concernent pas uniquement l’UBO mais également les données complètes d’identification de tous les intermédiaires entre l’UBO et la société redevable de l’information (de facto, ce seront essentiellement des sociétés intermédiaires). Ceci implique donc que la structure de participation complète, par le biais de laquelle l’UBO détient un contrôle effectif ou un intérêt effectif dans l’entité redevable de l’information, doit être reprise dans le registre.

Les entités redevables de l’information doivent contrôler et confirmer ces informations chaque année ainsi que les mettre à jour et ce, aussi bien dans un sens positif que négatif.

Les données (actualisées) reprises dans le registre seront conservées durant dix ans, à partir du jour où l’entité redevable de l’information aura perdu sa personnalité juridique (liquidation) ou aura arrêté définitivement ses activités.

Obligation d'informer l'UBO

En vertu de la Loi et de l’arrêté royal d’exécution de celle-ci, les entités redevables de l’information doivent informer l’UBO, “sur un support durable” (par ex. par lettre), des diverses particularités du registre, des droits et devoirs du redevable de l’information concerné mais aussi ceux de l’UBO concerné. L’administration de la Trésorerie informera également l’UBO sur les données qui sont enregistrées à son nom dans le registre. En pratique, cette communication devrait se faire de manière automatisée (via l’application MyMinfin).

Conséquences pratiques pour les UBO's

Accès au registre

Il est essentiel pour l’UBO de savoir qui a accès à ses données enregistrées dans le registre et à quelles conditions.

L’arrêté royal mentionne deux catégories de personnes et d’entités qui bénéficient toujours de la possibilité de consulter le registre, en particulier:

  • Première catégorie : les autorités compétentes, dont les autorités publiques dont une des missions légales est la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme ou les infractions sous-jacentes associées, les autorités fiscales, les autorités publiques chargées de la saisie et de la confiscation des avoirs criminels, les autorités publiques recevant des informations sur les transports ou transferts transfrontaliers d'argent ou d'instruments au porteur négociable, la CTIF et les autorités de contrôle ;

  • Deuxième catégorie : les entités assujetties par la Loi, dans le cadre de l'exécution de leurs obligations en matière de vigilance à l'égard de la clientèle.

En outre, chaque citoyen pourra consulter le registre. A cette fin, le paiement préalable des frais administratifs est requis.

Cette possibilité pour le citoyen de consulter le registre UBO sera limitée de deux manières:

Pour les informations sur les sociétés contenues dans le registre, la recherche ne pourra être effectuée que sur la base du numéro d’identification au registre BCE ou sur le nom de l’entreprise. Il ne sera donc pas possible pour le citoyen de consulter le registre sur base de l’identité de l’UBO.

Pour les informations du registre concernant les associations (internationales) sans but lucratif, les fondations, les trusts et les entités juridiques similaires, le citoyen devra démontrer un intérêt légitime pour consulter le registre.

Cet intérêt légitime doit être justifié dans la demande d’information écrite. Cet intérêt légitime doit être lié à la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme ou les activités criminelles sous-jacentes, conformément à la directive. La portée concrète de cette notion n’est, toutefois, pas clarifiée dans l’arrêté royal.

Ce sera à l’administration de la Trésorerie de décider si cet intérêt légitime est suffisamment démontré et justifié ou si d’autres documents complémentaires doivent être fournis.

Il convient de noter que les journalistes ne jouissent pas d’un statut spécial comme on le craignait depuis un certain temps.

Derogations

L'UBO peut soumettre une demande à l'administration fiscale via la plate-forme électronique, accessible sur le site web MyMinfin, ou par courrier afin de limiter l'accès à tout ou partie des informations contenues dans le registre à son sujet. À cette fin, il doit être démontré que l’accès à ses données dans le registre pourrait donner lieu à un risque de fraude, d’enlèvement, de chantage, de violence ou d’intimidation ou que l’UBO est mineur ou incapable.

En premier lieu, l'UBO doit être enregistré dans le registre UBO. Par la suite, l’administration fiscale devra procéder à une évaluation au cas par cas et, selon l’arrêté royal, devra analyser en détails si le caractère exceptionnel des circonstances a été démontré afin de restreindre (partiellement) l’accès aux informations contenues dans le registre. Toutefois, cette exception ne peut être accordée en ce qui concerne les demandes émanant d’entités définies, par la Loi et par arrêté royal, comme des établissements de crédit ou des établissements financiers, ni à l’égard des notaires. Ils auront donc toujours un accès complet à toutes les données de l'UBO.

De plus, cette exception ne portera que sur la visibilité des informations enregistrées mais pas sur l’obligation d’enregistrer ces informations.

Conclusion

Bien qu'il reste encore plusieurs incertitudes relatives à la mise en œuvre concrète et à la portée du registre UBO belge, son implémentation est devenue une réalité depuis le 31 octobre 2018, même si le transfert des données vers le registre UBO reste possible jusqu'au 31 mars 2019.

Il reste à savoir dans quelle mesure le service responsable du registre au sein de l'administration fiscale va interpréter et juger des notions encore vagues telles que « l'intérêt légitime » et « les exceptions sur la base desquelles l'accès au registre peut être (partiellement) limité ». On espère que des précisions supplémentaires seront fournies à ce sujet dans les mois à venir.

Le report du délai initial endéans lequel les entités soumises à l'obligation d’information doivent collecter et communiquer pour la première fois des informations relatives aux UBO’s, du 30 novembre 2018 au 31 mars 2019, approche à grands pas.

Pour les entités soumises à l’obligation d’information, il devient donc important de procéder aux préparatifs nécessaires et d’élaborer des procédures concrètes.

Si vous souhaitez en savoir plus à ce sujet, le cabinet d’avocats Tiberghien vous assistera avec plaisir.

Gerd D. Goyvaerts - Partner (gerdd.goyvaerts@tiberghien.com)

Stephanie Gabriel - Associate (stephanie.gabriel@tiberghien.com)