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jeudi, 25 juin 2020

Mesures Covid-19 : baisse temporaire du taux de TVA dans le secteur de l’horeca

En vue de la reprise économique du secteur de l’horeca suite à la crise liée au coronavirus, une nouvelle mesure a été adoptée par arrêté royal le 8 juin 2020 afin de réduire temporairement le taux de TVA applicable à certains services de restaurant et de restauration de 12% à 6%. Le taux réduit s'appliquera du 8 juin 2020 jusqu’au 31 décembre 2020.

Qu'implique exactement cette mesure temporaire ?

En principe, les services de restaurant et de restauration, à l'exclusion de la livraison de boissons, sont soumis au taux réduit de TVA de 12%. Lorsque des boissons (alcoolisées et non-alcoolisées) sont proposées dans un restaurant ou par un service traiteur, elles sont en principe toujours soumises à une TVA de 21%.

La mesure récemment adoptée prévoit désormais une dérogation au principe susdit en soumettant temporairement les services de restaurant et de restauration à un taux réduit de TVA de 6%. La notion de « services de restaurant et de restauration » a été élargie pour que la fourniture de boissons non-alcoolisées sans repas puisse également bénéficier du taux réduit de 6%, dans la mesure où elle est accompagnée d'un nombre suffisant de services accessoires pertinents. En revanche, les boissons alcoolisées telles que les bières ayant un titre alcoométrique volumique acquis excédant 0,5 % vol. et d'autres boissons ayant un titre alcoométrique volumique acquis excédant 1,2 % vol. restent en tout état de cause soumises à une TVA de 21%.

Grâce à cette mesure, les services de restaurant et de restauration sont désormais soumis aux mêmes taux de TVA que ceux applicables aux repas à emporter et aux livraisons de biens et/ou de boissons dans les grands magasins, les boutiques, etc.

Champ d’application élargi

L'élargissement de la notion de services de restaurant et de restauration signifie également que les cafés, bars, tavernes, etc. et – dès qu'ils seront autorisés à rouvrir – les discothèques et les boîtes de nuit peuvent temporairement bénéficier du taux réduit de TVA de 6% pour la livraison de boissons considérées comme non-alcoolisées.

A cet égard, précisons qu’il y a un manque de clarté pour le traitement TVA de la fourniture de snacks et de certaines boissons ou rafraîchissements dans un café, un bar, ou autre. Nous pensons ici aux ventes possibles dans ces lieux d'un paquet de chips, un morceau de gâteau, un frisco ou une portion de dés de fromage ou de salami. Pour déterminer le taux de TVA applicable à la fourniture de tels snacks, le rapport au Roi joint à l'arrêté royal renvoie le contribuable à la circulaire concernant le système de caisses enregistreuses (les « caisses blanches ») et à la distinction qui y est faite entre une simple fourniture de denrées alimentaires et/ou de boissons et la prestation de services de restaurant et de restauration.

Cette circulaire stipule notamment que lorsque des chips ou des collations similaires sont proposés avec des boissons sans majoration de prix et sans que le client ne le demande expressément, ils ne doivent pas être imposés distinctement en ce qui concerne le taux de TVA et constituent donc une seule et même opération soumise à une TVA de 21% (dans des circonstances normales). Cela vise tant les accompagnements salés par exemple offerts avec une pinte de bière que les accompagnements sucrés offerts par exemple avec une tasse de café. Dans ce dernier cas, tant la tasse de café que le biscuit et le morceau de sucre sont désormais soumis à une TVA de 6%. En revanche, les cacahuètes offertes avec la bière sont soumises à une TVA de 21%.

Notez que lorsque le client commande et paie séparément les accompagnements salés ou sucrés susmentionnés, la circulaire semble faire une distinction entre les aliments pré-emballés et non-préemballés. En effet, la circulaire précise que les produits pré-emballés comme les paquets de chips, barres de chocolat, saucisses bifi, friscos, blocs de fromage ou de saucisson pré-emballés pour la consommation sur place, sont soumis à une TVA de 21%. En revanche, les produits qui ne sont pas pré-emballés mais coupés et consommés sur place, comme un morceau de gâteau ou des dés de fromage sont considérés dans la circulaire comme des services de restaurant soumis au taux réduit de 6% dans le cadre de la mesure temporaire ici discutée. Pour rendre les choses encore plus complexes, la circulaire considère que la consommation sur place d'une lasagne ou d'un croque-monsieur mangés sur le pouce, même pré-emballés, nécessite une certaine préparation. Elle assimile dès lors cela à service de restaurant temporairement soumis au taux réduit de 6%.

Ce qui précède n’est selon nous pas entièrement conforme à l'article 6, § 1er, du Règlement européen d’exécution n° 282/2011, dans lequel la notion de « services de restaurant et de restauration » est précisée. Cette notion couvre en principe à la fois la fourniture d’aliments et boissons préparés et non-préparés. Les cafés et bars sont parmi les secteurs les plus touchés par la crise liée au coronavirus et il est difficile d’envisager que le taux normal de TVA (de 21%) doit être appliqué pour les fournitures de produits pré-emballés.

Le système des caisses enregistreuses

Bien que les services de restauration à emporter et les services de restauration destinés à être consommés sur place soient désormais tous deux soumis au même taux réduit de TVA de 6%, la distinction susmentionnée entre (i) la simple fourniture de repas et/ou de boissons (sans service supplémentaire) et (ii) les services de restauration reste importante en ce qui concerne les obligations relatives au système de caisse enregistreuse. En pratique, cela rendra plus difficile la vérification du système de caisse enregistreuse. Sur le site web du Gouvernement dédié au système de caisse enregistreuse dans les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration (www.systemedecaisseenregistreuse.be), les utilisateurs peuvent déjà trouver quelques précisions concernant l'adaptation de la programmation de leur caisse enregistreuse.

A ce propos, rappelons également que, conformément à l'article 21bis, §1, de l’arrêté royal n°1 en matière de TVA, l'obligation de tenir un système de caisse enregistreuse est, en principe, réservée aux établissements qui effectuent des prestations de services de restaurant ou de restauration lorsque le chiffre d'affaires annuel hors TVA relatif aux services visés, à l'exclusion de la fourniture de boissons, est supérieur à 25.000 euros. Dans ce cas, un ticket de caisse doit être délivré par l’assujetti pour toutes les opérations relatives à la fourniture de repas et de boissons (accompagnées ou non d'un repas), y compris toutes les ventes de denrées alimentaires et de boissons dans cet établissement. Pour le calcul de ce seuil, il est également tenu compte de la fourniture des produits alimentaires non pré-emballés/préparés sur place.

Sur la base de ce qui précède, l’on peut désormais se demander si les cafés et bars ne devraient pas également disposer d'une caisse enregistreuse, étant donné l'extension de la notion de services de restaurant et de restauration. Toutefois, en vertu des règles actuelles, cette caisse enregistreuse n’est imposée qu'aux exploitants d’un établissement où sont consommés des repas ainsi qu’aux traiteurs qui effectuent des prestations de restauration. Si la caisse était aussi imposée aux cafés et bars (en raison par exemple de la fourniture de lasagnes ou de croque-monsieur), le seuil de 25.000 euros s'applique toujours, seuil qui s’entend exclusion faite du chiffre d'affaires provenant de la fourniture de boissons.

Menus « all-in »

Les restaurants qui proposent des menus « all-in » (entrée – plat – dessert) avec un prix forfaitaire unique pour les repas et les boissons peuvent également devoir être tenus à faire quelques ajustements. Pour ces menus « all-in », une tolérance administrative autorise en principe l’allocation de 65% du prix à la fourniture des repas (avec TVA en principe de 12%) et le solde de 35% à la fourniture des boissons (avec TVA de 21%, à l'exclusion des spiritueux et du champagne).

Suite à l’adoption de la baisse temporaire de la TVA ici discutée, il peut être opportun de s’écarter de la tolérance administrative et de se fonder sur la valeur effective des repas et boissons non-alcoolisées fournis (soumis au taux réduit de 6%) d'une part et des boissons alcoolisées (soumis au taux de 21%) d'autre part.

Possibilité d’un remboursement de TVA ?

L'entrée en vigueur immédiate de la baisse temporaire de la TVA pour les services de restaurant et de restauration signifie que les propriétaires de restaurants et de cafés n'ont peut-être pas pu adapter dans les délais requis la programmation de leurs caisses enregistreuses.

L’Administration a précisé sur le site web relatif aux caisses enregistreuses dans le secteur de l’horeca que l’adaptation des systèmes de caisses enregistreuses devrait être faite dès que possible. Cependant, si cela ne peut pas être réalisé dans l’immédiat, les recalculs nécessaires concernant la période comprise entre le 8 juin 2020 et l’adaptation du système pourront être effectués par la suite, à condition d’avoir et de conserver les éléments probants et suffisamment détaillés permettant d’expliquer les recalculs.

Que faire si, en raison d'une adaptation tardive des systèmes de caisses enregistreuses, la TVA sur les fournitures de produits pouvant bénéficier du taux réduit est déjà facturée au consommateur au taux de 12 ou 21%, à la fois par les utilisateurs des systèmes de caisses enregistreuses et par les autres parties intéressées (principalement, les consommateurs) ? Dans ce cas, un remboursement sur la base de l'article 77, §1, 1° du Code de la TVA est en principe possible si la TVA payée est supérieure à celle qui est légalement due sur la base de la nouvelle règle temporaire entrée en vigueur le 8 juin 2020. Cependant, en pratique, l'Administration de la TVA exige dans de telles hypothèses que la différence entre les deux montants de TVA soit remboursée au consommateur final (afin de s’assurer qu’il n’y ait pas d'enrichissement illicite du secteur de l'hôtellerie et de la restauration). Il va sans dire que cette dernière obligation – le remboursement au consommateur – est souvent problématique. Compte tenu de l'objectif qui a sous-tendu l’adoption de la mesure de baisse temporaire du taux de TVA, à savoir soutenir le secteur de l'hôtellerie et de la restauration qui a beaucoup souffert de la crise liée au coronavirus, dans une telle situation, le remboursement devrait être justifiable sans qu’un remboursement effectif au consommateur ne soit réalisé. Il reste à voir si l'Administration de la TVA adoptera une position claire sur cette question.

Une situation particulière concerne les restaurants ou cafés qui ont émis des « bons à valoir », en ligne avec l’une des actions de soutien dans le cadre de la crise liée au coronavirus. Dans la mesure où ces bons ont été émis avec TVA avant le 8 juin 2020, au taux de 12 ou 21% selon le cas, il sera difficile de demander un remboursement de la TVA puisque la date d'exigibilité de la TVA est antérieure à l'entrée en vigueur des nouvelles règles sur le taux réduit de TVA. 

Conclusion

Bien que la mesure TVA ici discutée soit la bienvenue pour le secteur de la restauration, il convient d'accorder l'attention nécessaire à la transposition des nouveaux taux de TVA dans les systèmes de caisse enregistreuses des assujettis concernés. En outre, un certain nombre de questions, notamment l'élargissement du concept de services de restaurant et de restauration et l'application du taux réduit de TVA de 6%, méritent d'être clarifiées. Il est probable que l'Administration de la TVA fournisse des précisions supplémentaires à cet égard dans une nouvelle circulaire.

L'équipe TVA de Tiberghien est prête à vous assister en cas de besoin pour la mise en œuvre de ces règles temporaires.

Stijn Vastmans - Partner (stijn.vastmans@tiberghien.com)

Loulou Geboers - Associate (loulou.geboers@tiberghien.com)

Justine Smeets - Associate (justine.smeets@tiberghien.com)