Régime fiscal des ELTIF : un pas plus loin que la SICAV RDT ?
Bien que l’ELTIF puisse débiter comme entité d’investissement distincte, ce n’était jusqu’il y a peu pas très attractif car le législateur belge n’avait pas envisagé la fiscalité applicable à ce véhicule. Le règlement européen ne réglemente lui pas non plus ces aspects.
Jusqu’à récemment, la conclusion était donc qu’en l’absence de dispositions particulières concernant son traitement à l’impôt des sociétés, l’ELTIF, en tant que société belge, était soumis au régime normal de l’impôt des sociétés. Cela signifiait un impôt de 25% pour le fonds, en principe tant sur les revenus d’actions que sur les revenus liés au financement d’emprunts. Les revenus immobiliers étaient en principe également imposés.
Seuls les revenus (dividendes, plus-values) provenant d’actions pouvaient éventuellement être neutralisés si l’ELTIF pouvait, sous certaines conditions, qualifier de société d’investissement et ainsi bénéficier d’un régime RDT plus souple. Toutefois, les revenus provenant par exemple du financement d’emprunts ou les revenus immobiliers restaient imposables à l’impôt des sociétés de 25 %.
Pas très intéressant…
Avec le nouveau loi portant des dispositions fiscales diverses, le gouvernement belge souhaite soutenir diverses mesures, dont l’introduction d’un cadre fiscal performant pour les ELTIF belges.
Le nouveau cadre fiscal pour l’ELTIF vise à :
- rendre l’instrument d’investissement neutre sur le plan de l’impôt des sociétés ;
- éliminer la double imposition économique pour les sociétés-investisseurs ; et
- dispenser les investisseurs non-résidents du précompte mobilier.
Pour ce faire, le législateur belge prévoit expressément l’application du régime de l’article 185bis du CIR92 pour l’ELTIF. Par conséquent, l’entité est soumise à un régime qui s’écarte du régime normal de l’impôt des sociétés, ce qui implique notamment que les revenus provenant des actions (dividendes, plus-values), les revenus provenant du financement par emprunt et les revenus immobiliers ne font tout simplement pas partie de la base imposable de la société. En principe, on ne paie donc plus d’impôts sur ces revenus, du moins pas au niveau du fonds.
En principe, rien ne change pour les gestionnaires du fonds : ils sont toujours imposés sur les commissions qu’ils perçoivent pour la gestion du fonds, selon le régime qui leur est applicable.
Afin d’éviter que les revenus des sociétés d’investissement sous-jacentes ne soient imposées une seconde fois (une fois dans la société target et une fois dans la société-investisseur), une dérogation aux règles normales du régime RDT est prévue lorsque ceux-ci sont distribués aux sociétés-investisseurs, afin que les revenus des « bonnes » actions puissent bénéficier de la déduction RDT.
Il s’agit d’un régime similaire à celui de la célèbre « SICAV-RDT », à ceci près qu’un ELTIF n’est pas tenu de distribuer annuellement au moins 90% de ses revenus nets. Sachant que cela permet une capitalisation intégrale des revenus d’investissement avec droit à la déduction RDT belge, le traitement fiscal de l’ELTIF en fait un nouveau véhicule d’investissement très intéressant.
En outre, à la différence d’une SICAV RDT ordinaire, l’exonération RDT peut également s’appliquer à (la partie du) dividende qui provient de revenus immobiliers imposés à l’étranger.
Toutefois, des conditions et obligations spécifiques s’appliquent pour pouvoir appliquer/offrir un tel « régime RDT » aux sociétés d’investissement (par exemple, une obligation de ventilation sur mesure est indispensable).
Afin de rendre le fonds pleinement attractif pour les sociétés d’investissement de l’UE (et parce que le droit de l’UE l’oblige), le précompte mobilier est supprimé sur les revenus provenant des « bonnes » actions d’origine belge.
En principe, l’ELTIF belge peut également bénéficier du vaste réseau de conventions préventives de la double imposition que la Belgique a conclues, ce qui facilitera les investissements internationaux et la participation d’investisseurs internationaux.
Une fois enregistré auprès de la FSMA, le fonds sera également soumis à la taxe annuelle sur les organismes de placement collectif de 0,0925 % (la « taxe d’abonnement »). Puisqu’un ELTIF peut également créer des classes d’actions, une classe d’actions distincte peut également être prévue pour les investisseurs institutionnels et professionnels, pour lesquels cette taxe d’abonnement peut ainsi être réduite à 0,01%.
Enfin, le législateur belge a profité de l’occasion pour autoriser le Roi à établir par Arrêté royal un cadre comptable spécifique pour les ELTIF.
A ce jour, il n’y a pas eu de publication officielle de la loi contenant des dispositions fiscales diverses, qui consacrera les aspects fiscaux de l’ELTIF dans la loi. Comme le texte a été adopté en séance plénière le 13 janvier 2022, on peut s’attendre à la publication et donc à l’entrée en vigueur de ce cadre juridique fiscal très prochainement.
Avec l’ELTIF, le législateur belge a souhaité à juste titre promouvoir les investissements à long terme et a donc prévu pour cela un régime fiscal très intéressant.
Naturellement, nous sommes toujours prêts à vous aider pour lancer ce nouveau fonds d’investissement.
Dirk Coveliers - Counsel (dirk.coveliers@tiberghien.com)
Yannick Cools - Associate (yannick.cools@tiberghien.com)
Gauthier Bonte - Associate (gauthier.bonte@tiberghien.com)