Le traitement fiscal des plus-values sur les cryptomonnaies a déjà fait couler beaucoup d’encre. Dès lors qu’il n’existe pas de réglementation fiscale spécifique, il faut se référer aux principes (fiscaux) généraux pour qualifier les revenus de cryptomonnaies. Les contribuables qui souhaitent néanmoins obtenir une certaine sécurité juridique quant au traitement fiscal de leurs plus-values (ou moins-values) sur cryptomonnaies peuvent s’adresser au Service des Décisions Anticipées (SDA) pour demander un ruling.
Par le passé, le SDA s’est limité à rendre des décisions sur le traitement fiscal des plus-values réalisées lors de la vente ou de l’échange de cryptomonnaies. En ce qui concerne les autres revenus tirés des crypto-monnaies, tels que le staking, les récompenses du liquidity mining, du airdropping, du yield farming et du harvesting, le SDA ne s’était toutefois pas prononcé (probablement parce que la question de leur qualification ne faisait pas partie de la demande de ruling).
Deux rulings
Toutefois, dans deux décisions, le Service des décisions anticipées a désormais eu l’occasion de commenter la qualification fiscale des récompenses (rewards) du staking, du liquidity mining et du harvesting.
Dans un premier ruling, le SDA s’est penché sur la qualification des revenus obtenus par un contribuable grâce au harvesting. Le harvesting est dans une certaine mesure comparable au staking, et constitue une sorte d’intérêt dont le rendement est réparti dans le temps. Ces frais se composent de deux parties : d’une part, (une partie) des frais de transaction que les utilisateurs du réseau blockchain doivent payer, et d’autre part, (une partie) des rendements de « block » pour la validation et l’ajout d’un nouveau block à la blockchain.
Le SDA estime que, dans le cas d’espèce, les revenus du harvesting peuvent être qualifiés de revenus mobiliers. Bien que le SDA ne précise pas de quel sous-catégorie de revenus mobiliers il s’agit, il peut néanmoins être déduit que les revenus réalisés sont en principe imposables à 30%.
Un second ruling concerne un contribuable qui a réalisé des plus-values sur des crypto-monnaies, mais qui a aussi perçu des revenus au titre de récompenses (rewards) du staking et de liquidity mining. Tout d’abord, le SDA a confirmé qu’il n’y avait pas de revenus professionnels en l’espèce, compte tenu, entre autres, du fait que le contribuable – qui est développeur de logiciels – n’a pas eu recours à des emprunts pour financer ses investissements et que ses opérations n’ont pas été organisées selon une structure professionnelle.
Toutefois, sur base des faits (par exemple, le contribuable a participé à une centaine de projets de DeFI), le SDA estime qu’il n’est pas question d’une gestion normale d’un patrimoine privé. Par conséquent, une qualification en tant que revenus divers pourrait s’imposer, avec en principe un taux d’imposition de 33% sur les plus-values réalisées par le contribuable.
En ce qui concerne les revenus des rewards de staking et de liquidity mining, le SDA constate en l’espèce ne pas avoir disposé de suffisamment de temps pour mener une enquête sur la qualification des revenus (mobiliers ou divers). Toutefois, la décision du SDA est intéressante puisqu’il a décidé que les revenus des rewards de staking et de liquidity mining « sont imposables à tout le moins comme revenus de capitaux et de biens mobiliers (...). Si ces revenus ne sont pas imposables en tant que revenus de capitaux et de biens mobiliers, ils sont imposables en tant que revenus divers (...) » (nous traduisons).
Questions relatives à la qualification des revenus des crypto-monnaies
Il est déjà positif que le service des décisions anticipées soit disposé à examiner la question de la qualification des revenus des cryptomonnaies. Cela offre en effet de la sécurité juridique aux contribuables.
Précédemment[1], nous avons déjà expliqué qu’il existait trois qualifications différentes pour les plus-values sur les crypto-monnaies, à savoir : (1) la gestion normale du patrimoine privé, (2) les revenus divers et (3) les revenus professionnels. D’autres revenus provenant de cryptomonnaies pourraient également être considérés comme des revenus mobiliers.
Concrètement, il convient tout d’abord de vérifier si les revenus perçus qualifient de revenus professionnels. Si ce n’est pas le cas, la nature du revenu peut faire l’objet d’un examen plus approfondi.
Cela nécessite toujours une analyse in concreto, tenant compte, entre autres, du type de staking et des modalités concrètes du contrat de staking. Par conséquent, la décision du SDA, selon laquelle la qualification des revenus dépend des faits spécifiques, ne nous semble pas erronée.
Obligations de déclaration et charge fiscale
Quels sont les autres points d’attention sur le plan fiscal une fois que des revenus sont tirés des crypto-actifs ?
En premier lieu, ces revenus doivent être repris dans la déclaration annuelle à l’impôt sur les revenus des personnes physiques. Contrairement aux dividendes, par exemple, pour lesquels un précompte mobilier est souvent déjà prélevé, cela ne s’applique pas (encore) aux revenus des crypto-actifs.
En fonction de la nature du revenu, l’étape suivante consistera à calculer la base imposable (selon les règles propres à la catégorie de revenu spécifique), après quoi une déclaration correcte du revenu s’impose.
Le régime fiscal devenant de plus en plus clair, il semble judicieux que les contribuables qui perçoivent (et/ou ont perçu) des revenus provenant de crypto-actifs examinent leur situation fiscale et la rectifient si nécessaire.
Cette démarche permet non seulement au contribuable de gagner en sérénité sur le plan fiscal, mais elle constitue également une étape nécessaire lorsqu’un contribuable souhaite convertir les revenus tirés des crypto-actifs en monnaie fiduciaire.
Nous sommes à votre disposition pour l’analyse de votre dossier et pour vérifier si des actions sont nécessaires auprès de l’administration fiscale, et le cas échéant, lesquelles.
[1] https://www.tiberghien.com/fr/3290/premiers-secours-pour-les-cryptomonnaies