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jeudi, 04 juin 2020

La jurisprudence belge relative à l'exonération fiscale des dépôts d'épargne étrangers favorable aux contribuables

La jurisprudence belge s'est récemment prononcée à nouveau sur l'exonération des dépôts d'épargne étrangers. Selon la jurisprudence, les comptes d'épargne étrangers peuvent également bénéficier de l'exonération d’impôt prévue à l'article 21, 5° du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après le « CIR ») - même si une structure de double rémunération n'est pas prévue.

Cependant, l'administration belge continue d'interpréter les conditions de l'article 21,5° du CIR de manière restrictive et l'a même explicitement confirmé dans sa récente circulaire. En pratique, l'administration refuse donc systématiquement d’appliquer l'exonération d’impôt sur les comptes d'épargne étrangers.

Par conséquent, le contribuable devra toujours obtenir l'exonération fiscale sur les dépôts d'épargne étrangers par le biais des tribunaux. La jurisprudence récente ayant toujours été favorable au contribuable, les chances de succès de l'obtention de l'exonération des dépôts d'épargne étrangers sont très probables - même si aucune rémunération similaire à la prime de fidélité n'est accordée.

1. Régime fiscal favorable des dépôts d'épargne

En vertu de l'article 21, premier alinéa, 5° du CIR, les intérêts des comptes d'épargne réglementés sont exonérés de la retenue à la source et de l'impôt des personnes physiques jusqu'à une certaine limite (à savoir 990 EUR pour la période imposable 2020). Au-delà de cette limite, les intérêts sont taxés au taux favorable de 15% (art. 171, 3°quinquies et art. 269, § 1, 2° du CIR), tandis que les autres intérêts sont soumis au taux de 30%.

En principe, ce régime favorable s'applique également aux intérêts perçus sur les comptes d'épargne détenus auprès de banques situées dans d'autres pays de l'Espace économique européen (« EEE »). Les comptes d'épargne étrangers ne peuvent bénéficier de l'exonération que s'ils remplissent des conditions similaires à celles énoncées à l'article 21 du CIR et à l'article 2 de l'arrêté royal/CIR (ci-après « AR/CIR). Par exemple, l'article 2 de l'AR/CIR stipule que la rémunération des dépôts d'épargne doit consister en une double rémunération (un taux d'intérêt de base et une prime de fidélité). L'administration fiscale interprète ces conditions de manière restrictive, de sorte qu'en pratique, elle refuse systématiquement d’appliquer l'exonération aux comptes d'épargne étrangers.

Toutefois, la Cour de justice a jugé que la mise en place d'une structure de double rémunération semblait être « propre » au marché bancaire belge. Cela pourrait constituer une entrave à la libre circulation des services. L'évaluation concrète d'un éventuel obstacle au droit européen est laissée à l’appréciation des tribunaux nationaux (cfr. Le régime fiscal des carnets d’épargne réglementés à nouveau contesté 2017, éd. 1525, p. 8).

2. Circulaire récente

Cependant, l'administration maintient sa position dans sa récente circulaire 2020/C/33 du 21 février 2020. La circulaire clarifie notamment ce que l'administration entend par le caractère « réglementé » d'un compte d'épargne et les « critères analogues ».

La circulaire précise que l'obligation de procéder à une distinction entre un taux d'intérêt de base et une prime de fidélité découle de la volonté du législateur d'encourager l'épargne et de préserver l'épargne dans le temps. Il s'agit donc d'un élément essentiel de ce régime fiscal. Selon l'administration, un dépôt d'épargne (étranger) qui ne contient pas de double rémunération ne peut donc pas bénéficier de l'exonération car les « critères analogues » ne sont pas remplis.

3. Jurisprudence

Cependant, la jurisprudence belge ne suit pas la position de l'Administration et juge toujours en faveur du contribuable. Les récentes décisions rendues en appel démontrent également que l'administration n’obtient pas gain de cause.

Arrêt de la Cour d’appel d’Anvers du 21 janvier 2020 (2018/AR/1465)

L'administration a refusé l'exonération des intérêts perçus sur deux comptes d'épargne néerlandais au motif que les comptes d'épargne ne remplissaient pas les « critères analogues » relatifs à la double rémunération. Toutefois, l'un des compte d'épargne (« Vermogens Spaarrekening » de la banque ABN-AMRO) prévoyait une double structure de rémunération (un taux d'intérêt de base et un taux d'intérêt majoré).

La Cour d'appel d'Anvers a considéré (tout comme le Tribunal de première instance d'Anvers) que le taux d’intérêt majoré était comparable à la prime de fidélité belge. Le simple fait que le taux d’intérêt majoré soit octroyé sur le montant déposé au cours de l'année (par opposition à la prime de fidélité en Belgique) ne peut, selon la Cour d'appel, y faire obstacle. L'article 21, 5° du CIR stipule explicitement que les dépôts étrangers doivent répondre à des « critères analogues » à ceux des dépôts d'épargne belges et en aucun cas à des « critères identiques ». Ce dernier point a également été clarifié dans la circulaire susmentionnée.

Les « critères analogues » comprennent la rémunération sous la forme d'une « prime de fidélité » - quelle que soit sa dénomination - sans que la prime ne soit liée au maintien de l'épargne sur une période de 12 mois consécutifs. Selon la Cour, le « Vermogens Spaarrekening » peut donc bénéficier de l'exonération fiscale prévue à l'article 21, 5° du CIR.

Cependant, l'autre dépôt d'épargne néerlandais (« Direct Sparen », également chez ABN-AMRO) ne prévoyait pas de double rémunération. En raison de l'absence de prime de fidélité (ou de rémunération similaire), le tribunal de première instance avait jugé que ce dépôt d'épargne ne pouvait pas bénéficier de l'exonération fiscale. En revanche, la Cour d'appel a jugé que le refus de l'exonération fiscale au motif que le dépôt d'épargne ne prévoyait pas de double rémunération constitue une entrave à la libre prestation de services puisqu'il soumet l'accès au marché bancaire belge à certaines conditions. À cet égard, la Cour d'appel s'appuie sur le raisonnement de la Cour de justice dans l'arrêt précité. La Cour estime que l'État belge ne démontre pas que la double structure de rémunération n'est pas une condition « propre » au marché bancaire belge. En tout état de cause, selon la Cour, cela ne peut être déduit de la constatation que le « Vermogens Spaarrekening » prévoit effectivement une double rémunération comparable.

Par conséquent, la Cour d'appel d'Anvers a décidé que les intérêts perçus sur les deux dépôts d'épargne néerlandais pouvaient bénéficier de l'exonération fiscale prévue à l'article 21, 5° du CIR et du taux réduit de 15 % pour le surplus.

Arrêt de la Cour d’appel de Gand du 17 mars 2020 (2019/AR/625)

L'administration n'a pas non plus réussi à obtenir gain de cause devant la Cour d'appel de Gand. L'administration a refusé d'accorder l'exonération prévue à l'article 21, 5° du CIR car la rémunération des dépôts d'épargne néerlandais (Rabobank, Anadolu Bank, Credit Europe, ABN-AMRO et Lease Plan Bank) ne consistait pas en un taux d'intérêt de base et une prime de fidélité.

Selon la Cour d'appel, la décision du directeur et les conclusions de synthèse de l'État belge démontrent que la condition de l'existence combinée d'un taux d'intérêt de base et d'une prime de fidélité est typique aux comptes d'épargne belges. En effet, des recherches montreraient qu'aucun compte bancaire auprès d'une banque établie dans un autre État membre de l'UE ou dans un État de l'EEE ne peut bénéficier de l'exonération fiscale prévue à l'article 21, 5° CIR92.

La Cour d'appel de Gand a jugé que l'imposition d'une structure de double rémunération est « propre et typique au marché bancaire belge » et constitue donc une entrave à la libre prestation de services européenne. Une telle entrave ne peut pas être justifiée par la protection des consommateurs ou des épargnants.

La Cour d'appel a décidé que les dépôts d'épargne néerlandais présentent des conditions analogues aux comptes d'épargne belges réglementés, hormis les entraves injustifiées, de sorte que les intérêts reçus bénéficient de l'exonération fiscale prévue à l'article 21, 5° du CIR.

Jugement du Tribunal de première instance de Louvain du 13 septembre 2019

Enfin, le Tribunal de première instance de Louvain (Trib. Louvain 13 septembre 2019, 18/483/A) a également récemment statué en faveur du contribuable en décidant que les intérêts perçus sur deux dépôts d'épargne néerlandais (« Rabo DoelSparen » et « Rabo InternetSparen ») pouvaient bénéficier de l'exonération fiscale.

Selon le Tribunal, l'arrêt de la Cour de Justice du 8 juin 2017 peut même être considéré comme « un fait nouveau » au sens de l'article 376, §1 du CIR, puisque la Cour a pris position sur des points essentiels concernant la compatibilité de l'article 21, 5° du CIR et de l'article 2 de l’AR/CIR avec le droit communautaire. Sur la base de ce « fait nouveau », une demande de « dégrèvement d'office » pourrait être engagée, à la suite de quoi l'exonération fiscale pourrait encore être demandée pour une période de 5 ans.

4. Conclusion

Selon la jurisprudence belge, l'exonération fiscale des dépôts d'épargne peut également s'appliquer aux comptes d'épargne réglementés étrangers - même si une double structure de rémunération n'est pas prévue. Toutefois, l'administration maintient sa position antérieure et l'a même explicitement confirmée dans sa récente circulaire. Les questions parlementaires posées lors de la Commission des Finances et du Budget du 3 juin 2020 démontrent que le Ministre des Finances soutient toujours l’application de la circulaire, et l'administration étudie actuellement la possibilité d’introduire un pourvoi en cassation.

Par conséquent, le contribuable devra toujours obtenir l'exonération fiscale sur les dépôts d'épargne étrangers par le biais d’une procédure judiciaire. Compte tenu de la jurisprudence favorable au contribuable et des arguments qui y sont développés, les chances de succès de l'obtention de l'exonération des dépôts d'épargne étrangers sont très probables - même si aucune rémunération similaire à la prime de fidélité n'est accordée. En outre, la question se pose de savoir si la pratique de l'administration est conforme au principe de coopération loyale en vertu du droit de l’Union européenne.

 

Bart De Cock - Counsel (bart.decock@tiberghien.com)

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