Plus de notification préalable à l’enquête pour l’impôt sur les revenus
La différence essentielle avec la procédure en matière de TVA est qu’en matière d’impôt sur les revenus, l’administration fiscale doit envoyer au contribuable une notification préalable avant chaque acte d’investigation au cours du délai supplémentaire de 4 ans aplicable en cas de fraude (c’est-à-dire pour les 4 années antérieures au délai d’investigation « ordinaire » de 3 ans). Ainsi, l’administration fiscale doit découvrir et notifier au contribuable un indice raisonnable de fraude dans le délai d’investigation ordinaire de 3 ans, avant de pouvoir recourir au délai applicable en cas de fraude. La conséquence de la notification préalable actuelle est que l’administration fiscale doit immédiatement jouer cartes sur table. Selon le législateur, cela permettrait aux contribuables fraudeurs de se hâter de détruire certaines preuves de la fraude ou d’aliéner certains actifs, ce qui pourrait entraîner l’évitement de certaines taxes.
Pour cette raison, l’obligation de notification préalable pour la prolongation du délai d’investigation sera supprimée pour les impôts sur les revenus (abrogation de l’article 333, troisième alinéa du CIR92 ; modification de l’article 333, deuxième alinéa du CIR92).
Mais bien une notification préalable à l’établissement de l’impôt (comme en TVA)
Le projet de loi prévoit désormais que, pour l’application du délai d’imposition supplémentaire de quatre ans, l’administration fiscale doit notifier au préalable, au plus tard le dernier jour de l’établissement de l’impôt, par écrit et de manière précise, au contribuable concerné, les indices de fraude fiscale qui existent (ajout à l’article 354, deuxième alinéa du CIR92).
L’obligation de notification préalable est donc conservée, mais elle est reportée au moment du recouvrement dans le délai supplémentaire (donc lors d’un avis de rectification ou d’un avis d’imposition d’office), c’est-à-dire lorsque la situation juridique du contribuable change effectivement. Il n’y a donc plus de notification préalable à l’enquête dans le délai applicable en cas de fraude, d’où l’« harmonisation » des dispositions pour la TVA et les impôts sur les revenus.
Violation de divers droits fondamentaux du contribuable
La notification préalable à chaque enquête dans le délai applicable en cas de fraude a été introduite à l’époque pour protéger le contribuable d’un contrôle trop large, de crainte que « tous les contribuables [en l’absence de l’amendement] ne soient exposés à des contrôles portant non seulement sur les trois années précédentes, comme c’était le cas antérieurement, mais aussi sur les quatrième et cinquième année précédentes » (Doc. Parl., Chambre 1975-76, n° 879-7, pp. 42-43) (depuis lors étendu à 7 ans).
Plusieurs droits essentiels du contribuable sont pourtant menacés par cette modification de la loi : les droits de la défense, le droit de ne pas s’auto-incriminer (cf. droit au silence), la suppression d’une possibilité de contestation pré-taxation auprès du tribunal en cas d’actes d’investigation illicites, une ingérence dans les droits fondamentaux du contribuable (et ce sans notification préalable, ce qui signifie que l’exigence de proportionnalité n’est pas respectée), etc.
Vers un contrôle fiscal de 7 ans généralisé ?
En pratique, la modification proposée conduira de facto à une enquête de sept ans à l’impôt sur les revenus également, alors que le contribuable avait auparavant la garantie que l’enquête fiscale serait en principe limitée à trois exercices d’imposition, à moins que l’administration fiscale avait envoyé une notification préalable prolongeant le délai d’investigation, et ce avec une mention des indices de fraude .
Bien que le Conseil d’État ait rendu le 11 mars 2022 un avis critique sur ce projet de loi, le législateur entend renforcer les compétences de l’administration dans délai applicable en cas de fraude.