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lundi, 29 janvier 2024

Du "pistolet à eau" au "bazooka" en passant par la "bombe atomique" ?

Ben Van Vlierden

Ben Van Vlierden

Partner
Bruxelles, Anvers
Ellen Vandingenen

Ellen Vandingenen

Senior Associate
Anvers
Heléne Meuleman

Heléne Meuleman

Associate
Anvers

Troisième plan d'action contre la fraude fiscale et sociale

La coordination de la lutte contre la fraude fiscale et sociale est assurée au sein du gouvernement par le Comité ministériel créé à cet effet. Ce comité a été chargé d'élaborer un "troisième plan d'action" visant à améliorer le fonctionnement opérationnel de l'administration et des contrôles fiscaux en particulier.   

Pour rappel. L'un des objectifs généraux du premier plan d'action était d'améliorer la coopération, la coordination et l'échange d'informations entre les différents acteurs sur le terrain. Le deuxième plan d'action a été conçu autour de thèmes internationaux et de l'extension des délais d’investigation et d’imposition.

Dans son troisième plan d'action, le ministre des Finances Vincent Van Peteghem propose, entre autres, d'élargir la disposition générale anti-abus en matière d'impôts sur les revenus (cf. article 344, §1 CIR92). Cela devrait permettre d'aligner la disposition anti-abus sur la directive européenne ATAD du 12 juillet 20216, qui définit l'abus fiscal de manière plus générale et plus abstraite (qui pourra donc être appliquée plus largement par les autorités fiscales).

Les autorités fiscales auront-elles à nouveau plus de poids face aux abus fiscaux ?

La version de la disposition générale anti-abus de 1993, révisée en 2012, dont le texte juridique est passé d'un faible "pistolet à eau" à un véritable "bazooka", ne s'est finalement pas toujours avérée être une arme surpuissante pour le fisc dans la réalité, notamment parce que la jurisprudence n'a pas toujours pu suivre le fisc non plus.

L'élargissement prévu de l'actuelle disposition générale anti-abus semble devoir changer la donne : pour les autorités fiscales, le champ d'application deviendra beaucoup plus large (charge de la preuve initiale), tandis que pour le contribuable, en revanche, il deviendra plus difficile (voire quasi-impossible) d'y échapper (possibilité de contre-preuve très limitée). 

Selon le projet, un montage (ou une série de montages) sera considéré comme abusif s'il a été mis en place dans le but principal, ou l'un des buts principaux, d'offrir un avantage fiscal qui va à l'encontre de l'objectif ou de l'application de la législation fiscale applicable, et qui est artificiel. La connotation "totalement artificiel" issue de la jurisprudence de la CJUE est ici diluée dans le terme "artificiel". La nouvelle disposition anti-abus proposée élimine habilement les points douloureux (et donc les obstacles pour les autorités fiscales) de la disposition actuelle comme suit :

  1. Une construction ou une série de constructions (au lieu d'un "acte juridique" ou d'un "ensemble d'actes juridiques") doit être interprétée au sens large, ce qui élimine la question de savoir si le contribuable doit avoir accompli lui-même le ou les actes juridiques ou, du moins, y avoir participé (indirectement). Un contribuable sans le savoir peut ainsi se trouver soudainement confronté à un abus fiscal par le biais d'un arrangement conclu par une autre personne.
  2. Le soi-disant avantage fiscal doit compromettre l'objectif ou l'application de la "législation fiscale applicable", ce qui évitera au fisc de devoir prouver que l'objectif spécifique d'une disposition fiscale n'a pas été atteint - ce qui s'est avéré assez difficile dans la pratique en raison de la qualité (parfois médiocre) de la législation fiscale et/ou de l'absence de travaux parlementaires conséquents sur ce sujet.

Il convient également de noter que la disposition va au-delà du Code des impôts sur les revenus de 1992 et fait référence à "la loi fiscale applicable", probablement en réponse à la jurisprudence concernant, entre autres, les entreprises d’insertion (ancien régime).

  1. En cas d'abus fiscal, le contribuable ne peut se justifier que par la preuve de motifs commerciaux ou économiques valables reflétant la réalité économique, ce qui est beaucoup plus restreint que la réfutation actuelle consistant en des motifs autres que l'évitement de l'impôt sur le revenu. Les motifs non fiscaux, familiaux, sociaux et patrimoniaux ne peuvent plus être invoqués, c'est-à-dire des motifs qui constituaient pourtant souvent des contre-preuves valables dans la disposition actuelle. En matière d'impôt sur les revenus des personnes physiques, la contre-preuve devient donc quasiment impossible.

Notons également qu'il est fait référence à la " réalité économique ", notion introduite pour la première fois dans la législation fiscale très récemment par la loi du 22 décembre 2023 (M.B. 29 décembre 2023) avec les modifications de l'article 54 CIR92 (sur la non-déductibilité des paiements vers certains paradis fiscaux) et 344, §2 CIR92 (sur la non-déductibilité de certains transferts vers les paradis fiscaux). La doctrine Brepols est-elle ainsi définitivement enterrée ?     

  1. Alors que la disposition actuelle rétablit la base imposable et le calcul de l'impôt en cas d'abus fiscal, le nouveau texte rétablit l'imposition conformément à l'objectif de la législation fiscale applicable, comme si l'abus n'avait pas eu lieu. Dans les travaux préparatoires, il est écrit que dans le cas d'une construction ou d'une série de constructions, l'administration ne peut pas tenir compte de tous les faits ou actes qui façonnent cette (ces) construction(s), ou seulement de certains d'entre eux. Par conséquent, cela signifie-t-il qu'une réparation sera également possible au nom d'un contribuable autre que celui qui a commis l'abus fiscal (sachant que l'abus fiscal ne doit plus non plus être commis par un contribuable particulier) ? Cela signifie-t-il également que les faits seront également pris en compte, alors qu'en vertu de la disposition (juridique) actuelle, les faits ne peuvent entraîner aucune conséquence fiscale ?

Fin de partie pour le contribuable ?

La date d'entrée en vigueur de la nouvelle disposition anti-abus n'est pas encore connue (selon des textes datant de la fin de l'année dernière, il était encore question d'une application à partir de l'exercice d'imposition 2024 - ce qui n'est plus possible). Les exercices d'imposition antérieurs resteraient en tout état de cause soumis à la disposition anti-abus actuelle, avec moins de poids pour les autorités fiscales, mais plus de possibilités de défense pour le contribuable. 

Avec la nouvelle disposition anti-abus, les autorités fiscales sont censées avoir de gros moyens entre les mains : une véritable "bombe atomique". Alors qu'auparavant un certain degré de défense était possible contre le "bazooka", avec le texte proposé, le contribuable semble subir le sort d'une victime pratiquement sans défense.

Toutefois, le gouvernement fédéral n'a pas réussi à prendre une décision sur cette partie du troisième plan d'action avant la fin de l'année 2023. En effet, il n'y a pas eu de consensus à ce sujet au sein de la Vivaldi. "Si nous permettons aux autorités fiscales de l'utiliser [la disposition anti-évasion] à tout moment, y compris en ce qui concerne les boulangers et les bouchers, c'est un pas trop loin pour nous. […] Les autorités fiscales doivent pouvoir détecter les fraudes, mais un bazooka ne doit pas être utilisé contre le parapluie d'un contribuable [...]", dixit Vincent Van Quickenborne (Open Vld) lors de la séance plénière de la Chambre du 19 décembre 2023 (Chambre 2023-2024, CRIV 55 PLEN 278, n° 01.62, p. 17-18).

En outre, à l'approche des élections, il n'est pas du tout certain que le changement interviendra au cours de cette législature.

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