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lundi, 05 février 2024

Plus d’échappatoire pour les tiers "classiques" dans le blanchiment de la fraude fiscale

Gerd D. Goyvaerts

Gerd D. Goyvaerts

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Céline Van houte

Céline Van houte

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Ana Laura Claes

Ana Laura Claes

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Femke Van Duyse

Femke Van Duyse

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Elle était en préparation depuis longtemps, mais depuis sa publication Récente au Moniteur belge, il n’y a plus « d’échappatoire ».

À partir du 5 février 2024, les personnes qui effectuent des opérations (ou les intermédiaires financiers les y aidant) portant sur des actifs susceptibles de faire l’objet d’une fraude fiscale simple ne pourront plus invoquer l’exception qui existe pour les tiers dans les infractions de blanchiment d’argent.

Champ d’application étendu des infractions de blanchiment d’argent en vertu de l’article 505 du Code pénal (CP).

L’article 505 du Code pénal belge prévoit le délit de blanchiment de capitaux. Le blanchiment de capitaux consiste essentiellement à accomplir un acte déterminé avec des avantages patrimoniaux d’origine illicite (élément matériel), en sachant que ces avantages patrimoniaux ont une origine illicite (élément moral).

Ces « actes de blanchiment » concrets sont définis de manière très large. Ils vont de la réception, de la gestion et du stockage des avantages patrimoniaux d’origine illicite (première infraction de blanchiment de capitaux) à leur conversion et à leur transfert (deuxième infraction de blanchiment de capitaux) et/ou à leur dissimulation et à leur déguisement (troisième infraction de blanchiment de capitaux).

Les « avantages patrimoniaux d’origine illégale » ont également une définition large. Il s’agit de toute valeur économique dérivée d’un délit. Par exemple, il peut également s’agir des économies réalisées par une personne lorsqu’elle commet une fraude fiscale, c’est-à-dire le montant de l’impôt non payé.

L’échappatoire pour les infractions de blanchiment d’argent suite à des fraudes fiscales peu graves ou simple

La disposition actuelle (article 505, paragraphe 3, CP) prévoit une échappatoire pour les tiers : ceux qui n’ont pas participé à la fraude fiscale simple à l’origine du blanchiment d’argent ne sont pas coupables des premier et troisième délits de blanchiment d’argent. Cette disposition ne s’applique donc que si la fraude à la source n’est pas une fraude fiscale grave.   

Les applications concrètes de ces « tiers » peuvent être classées en deux catégories. D’une part, les tiers ’classiques’, par exemple les personnes qui reçoivent un don ou un héritage et dont les fonds proviennent alors en partie d’une fraude fiscale simple. D’autre part, les tiers qui sont des « entités soumises à l’obligation de déclaration » en vertu de la législation préventive contre le blanchiment de capitaux, à savoir les intermédiaires tels que les institutions financières et les notaires, qui doivent, le cas échéant, déclarer les transactions suspectes à la Cellule de Traitement des Informations Financières (CTIF). Jusqu’à présent, ces deux catégories pouvaient se prévaloir de l’échappatoire de la fraude fiscale simple de l’article 505 CP, qui n’est d’ailleurs pas non plus soumis à une obligation de déclaration.

Les avocats font également partie de cette catégorie, bien qu’ils soient toujours soumis à une exception spéciale liée au secret professionnel.

L’Union européenne encourage la lutte contre les échappatoires de la fraude fiscale simple

La sixième directive anti-blanchiment

Depuis plusieurs années, cette échappatoire des tiers en cas de fraude fiscale simple était incompatible avec la sixième directive européenne anti-blanchiment (Directive UE 2018/1673).

La fraude fiscale simple est punie en Belgique d’une peine d’emprisonnement de 8 jours à 2 ans et/ou d’une amende de 250 à 500.000 euros (449 CIR92, 73 CTVA et 207 Code des droits et taxes divers). La peine d’emprisonnement maximale en Belgique pour la fraude fiscale simple - à laquelle s’applique l’exception en faveur des tiers - est donc supérieure à 1 an. Toutefois, elle exige que toute infraction punie d’une peine d’emprisonnement maximale de plus d’un an ou d’une peine d’emprisonnement minimale de plus de six mois puisse toujours donner lieu à un blanchiment de capitaux. Ainsi, la fraude fiscale non grave ou « simple », compte tenu de son niveau de sanction élevé, constitue donc une infraction principale de blanchiment de capitaux aux fins de la directive, et il en va de même pour les tiers.

Intervention du législateur belge

Avec la loi du 18 janvier 2024 visant à rendre la justice « plus humaine, plus rapide et plus ferme » (dite « loi HRF III » ou loi « MSS III »), le législateur belge tente, bien tardivement, de mettre la réglementation belge en conformité avec la directive.

L’échappatoire qui existait pour les tiers (ceux qui n’étaient pas impliqués dans l’infraction principale de fraude fiscale) est ainsi complètement supprimée.

Toutefois, par crainte de l’impact sur les institutions financières, une cause d’excuse absolutoire a été ajouté à l’article spécifiquement pour les entités soumises à la législation préventive sur le blanchiment de capitaux (banques, notaires, avocats, etc.). En résumé, cela signifie qu’elles sont susceptibles d’être poursuivies, mais qu’elles ne peuvent pas encourir de sanction.

L’acquittement n’intervient que lorsque les conditions suivantes du motif de dissimulation sont remplies :

  • L’infraction de base est qualifiée de fraude fiscale non grave (c’est-à-dire de fraude fiscale « simple ») ;
  • L’acte de blanchiment de capitaux est déclaré par une entité soumise à l’obligation de déclaration en vertu de la législation relative à la prévention du blanchiment de capitaux ;
  • Cette entité a respecté « les lois et règlements en matière de lutte contre la fraude fiscale » , y compris la législation relative à la prévention du blanchiment de capitaux, en ce qui concerne les faits envisagés (il reste encore à déterminer quelles obligations concrètes doivent être testées ici).

Vous avez bien lu, le citoyen lambda qui reçoit un héritage ou une donation, par exemple, ne pourra donc pas - contrairement aux banques, notaires, avocats, etc... - invoquer cette cause d’excuse absolutoire.

L’impact le plus important de la nouvelle réglementation concerne les tiers qui ne sont pas des entités soumises à la législation relative à la prévention du blanchiment de capitaux. Par conséquent, pour eux, l’application large des infractions de blanchiment de capitaux, y compris la fraude fiscale simple, s’applique pleinement. Ainsi, lorsque des fonds sont reçus de tiers (par exemple par le biais d’une donation ou d’une succession) et que des questions de conformité fiscale et d’origine des actifs peuvent se poser, il est nécessaire - encore plus qu’auparavant - de procéder à une analyse approfondie.

Circonstances aggravantes pour une entité soumise à l’obligation de déclaration visée à l’article 2 de la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015.

Mais même pour certaines entités soumises à l’obligation de déclaration, la loi publiée il y a quelques jours apporte une autre mauvaise « surprise ». En effet, la sixième directive anti-blanchiment demandait également aux Etats membres d’introduire des circonstances aggravantes dans les infractions de blanchiment. Le nouvel article 505ter du CP transpose ces circonstances aggravantes en droit belge. L’une d’entre elles prévoit que si l’auteur de l’infraction est une entité soumise à l’obligation de déclaration en vertu de la relative à la prévention du blanchiment de capitaux et que l’acte de blanchiment a été commis dans l’exercice de ses activités professionnelles, il sera puni plus sévèrement, notamment « d’un emprisonnement de trois ans à cinq ans et d’une amende de dix mille euros à deux cent mille euros ou d’une de ces peines seulement ».

Il est donc nécessaire que les entités soumises à l’obligation de déclaration fassent preuve d‘une vigilance accrue afin de respecter toutes les obligations prévisibles pour que ces sanctions plus lourdes ne s‘appliquent pas et pour bénéficier de la cause d’excuse absolutoire.

Conclusion

Les nouveaux articles 505 et 505ter du Code pénal, qui entreront en vigueur le lundi 5 février 2024, entraînent une application large et illimitée de l’infraction de blanchiment d‘argent à tous les tiers,  pour lesquels la distinction entre la fraude fiscale simple et la fraude fiscale grave disparaît. Cela pose des problèmes aux citoyens qui acceptent des cadeaux ou des héritages.

Les entités soumises à l’obligation de déclaration, telles que les banques, les notaires et les avocats, peuvent toujours invoquer la cause d’excuse absolutoire, mais elles devront être en mesure de prouver qu’elles ont toujours respecté avec diligence l’ensemble de la législation relative à la lutte contre la fraude fiscale.

Si, en tant que déclarant, vous n’êtes pas sûr que votre compliance réponde aux conditions de la cause d’excuse absolutoire de l’article 505 du CP, ou si, en tant que tiers « ordinaire », vous avez des doutes sur la qualification éventuelle d’un acte comme infraction de blanchiment d’argent, ou si vous souhaitez analyser et, le cas échéant, rectifier vos actifs dont l’origine peut remonter à la fraude fiscale (simple), vous pouvez toujours nous contacter.

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