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jeudi, 19 mai 2016

Du nouveau en matière de contestation de paternité?

L. De Wulf
L. Lemmens

La filiation paternelle peut être établie de différentes manières :

  • Par la loi, par l’application d’une présomption légale de paternité dans le chef du mari lorsque l’enfant est né pendant le mariage ou dans les 300 jours qui suivent sa dissolution ou son annulation (sous réserve de quelques exceptions légales);
  • Par reconnaissance, lorsque la paternité n’est pas établie par le biais de ladite présomption légale ;
  • Par jugement, dans le cadre d’une procédure en recherche de paternité, lorsque la paternité n’est pas établie par l’application de la présomption légale, ni par reconnaissance.

    Lorsque la paternité est établie par présomption légale ou par reconnaissance, elle peut faire l’objet d’une contestation, moyennant le respect de diverses conditions.

    S’agissant en particulier de la paternité établie par la loi, par présomption légale, l’article 318 du Code civil stipule ceci :

    « § 1er  A moins que l'enfant ait la possession d'état à l'égard du mari, la présomption de paternité peut être contestée devant le tribunal de la famille par la mère, l'enfant, l'homme à l'égard duquel la filiation est établie, l’homme qui revendique la paternité de l’enfant et la femme qui revendique la comaternité de l’enfant.

    § 2  L'action de la mère doit être intentée dans l'année de la naissance. L'action du mari doit être intentée dans l'année de la découverte du fait qu'il n'est pas le père de l'enfant, celle de celui qui revendique la paternité de l'enfant doit être intentée dans l'année de la découverte qu'il est le père de l'enfant et celle de l'enfant doit être intentée au plus tôt le jour où il a atteint l'âge de douze ans et au plus tard le jour où il atteint l'âge de vingt-deux ans ou dans l'année de la découverte du fait que le mari n'est pas son père. L’action de la femme qui revendique la comaternité doit être intentée dans l’année de la découverte du fait qu’elle a consenti à la conception, conformément à l’article 7 de la loi du 6 juillet 2007 relative à la procréation médicalement assistée et à la destination des embryons surnuméraires et des gamètes, et que la conception peut en être la conséquence. Si le mari est décédé sans avoir agi, mais étant encore dans le délai utile pour le faire, sa paternité peut être contestée, dans l'année de son décès ou de la naissance, par ses ascendants et par ses descendants. La paternité établie en vertu de l'article 317 peut en outre être contestée par le précédent mari.

    § 3  Sans préjudice des §§ 1 et 2, la présomption de paternité du mari est mise à néant s'il est prouvé par toutes voies de droit que l'intéressé n'est pas le père. La contestation de la présomption de paternité du mari est en outre déclarée fondée, sauf preuve contraire: 1° dans les cas visés à l'article 316bis; 2° lorsque la filiation maternelle est établie par reconnaissance ou par décision judiciaire; 3° lorsque l'action est introduite avant que la filiation maternelle ne soit établie.

    § 4 La demande en contestation de la présomption de paternité n'est pas recevable si le mari a consenti à l'insémination artificielle ou à un autre acte ayant la procréation pour but, sauf si la conception de l'enfant ne peut en être la conséquence.

    § 5 La demande en contestation introduite par la personne qui se prétend le père biologique de l'enfant n'est fondée que si sa paternité est établie. La décision faisant droit à cette action en contestation entraîne de plein droit l'établissement de la filiation du demandeur. Le tribunal de la famille vérifie que les conditions de l'article 332quinquies sont respectées. A défaut, l'action est rejetée.

    § 6 La demande en contestation introduite par la femme qui revendique la comaternité de l’enfant n’est fondée que s’il est prouvé qu’elle a consenti à la procréation médicalement assistée conformément à l’article 7 de la loi du 6 juillet 2007 relative à la procréation médicalement assistée et à la destination des embryons surnuméraires et des gamètes, et que la conception de l’enfant peut en être la conséquence. La décision faisant droit à cette action en contestation entraîne de plein droit l’établissement de la filiation à l’égard de la demanderesse. Le tribunal de la famille vérifie que les conditions de l’article 332quinquies, §§ 1er, 1/1, 2 et 4, sont respectées. A défaut, l’action est rejetée. »

    La loi détermine donc de manière limitative les titulaires de l’action en contestation de cette présomption de paternité, le délai endéans lequel chacun d’eux doit introduire son action. Elle institue également en fin de non-recevoir de l’action l’existence d’une possession d’état (situation de l’enfant traité comme le fils/la fille du mari de sa mère), de sorte que lorsque l’enfant a cette possession d’état à l’égard du mari, la contestation de cette présomption ne serait plus possible.

    Certaines conditions prévues par cette disposition légale ont, à diverses reprises, été déclarées inconstitutionnelles par la Cour Constitutionnelle.

    Ainsi en matière de délai, dans son arrêt du 31 mai 2011 (n°96/2011),  la Cour a jugé que dans l’hypothèse où la présomption de paternité du mari « ne correspond à aucune réalité ni biologique, ni socio-affective », l’article 318, §2, du Code civil « viole les articles 10, 11 et 22 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme ».

    La Cour estime en effet  qu’ « (…) en prévoyant qu’un enfant ne peut plus contester la présomption de paternité établie à l’égard du mari de sa mère au-delà de l’âge de vingt deux ans ou de l’année à dater de la découverte du fait que celui qui était le mari de sa mère n’est pas son père, alors que cette présomption ne correspond à aucune réalité ni biologique, ni socio-affective, il est porté atteinte de manière discriminatoire au droit au respect de la vie privée de cet enfant. En raison du court délai de prescription, celui-ci pourrait ne plus disposer de la possibilité de saisir un juge susceptible de tenir compte des faits établis ainsi que de l’intérêt de toutes les parties concernées, sans que cela puisse se justifier par le souci de préserver la paix des familles alors que les liens familiaux sont en l’occurrence inexistants. »

    Et s’agissant de la condition de la possession d’état, dans son arrêt du 3 février 2011 (n°20/2011), la Cour a jugé que l’article 318, § 1er du Code civil viole l’article 22 de la Constitution, combiné avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, « dans la mesure où la demande en contestation de paternité n’est pas recevable si l’enfant a la possession d’état à l’égard du mari de la mère ».  La Cour estime en effet qu’ « (…) en érigeant la « possession d’état » en fin de non-recevoir absolue de l’action en contestation de la présomption de paternité, le législateur fait toujours prévaloir la réalité socio-affective de la paternité sur la réalité biologique. Du fait de cette fin de non-recevoir absolue, le mari de la mère qui a assumé de bonne foi la paternité socio-affective se voit refuser de manière absolue la possibilité de contester sa paternité, parce que son attitude de bonne foi a précisément contribué à la réalisation des faits qui sont constitutifs de la possession d’état. Il n’existe dès lors, pour le juge, aucune possibilité de tenir compte des faits établis et des intérêts de toutes les parties concernées. Une telle mesure n’est pas proportionnée aux buts légitimes poursuivis par le législateur et n’est dès lors pas compatible avec l’article 22 de la Constitution, combiné avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. »

    La Cour constitutionnelle a confirmé ce point de vue dans ses arrêts des 9 juillet 2013 (n°105/2013) et 7 novembre 2013 (n°147/2013).

    Dans un arrêt rendu ce 3 février 2016 (n°18/2016) (http://www.cour-constitutionnelle.be), la Cour Constitutionnelle s’est à nouveau prononcée sur deux questions préjudicielles qui lui ont été posées par le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles dans une affaire où l’enfant (entre-temps majeur) a introduit une action en contestation de la présomption de paternité à l’encontre de l’ex-mari de sa mère et une action en recherche de paternité à l’encontre du père biologique prétendu.

    - La première question porte sur l’interdiction faite à l’enfant de plus de 22 ans de contester la paternité du mari de sa mère plus d’un an après la découverte du fait que ce mari n’est pas son père. Précisons que dans le cas ici soumis à la Cour, il existerait une possession d’état entre l’enfant et le mari de sa mère. La situation est donc différente de celle visée dans l’arrêt précité du 31 mai 2011 où la présomption de paternité ne correspondait pas à la vérité socio-affective, où il n’y avait pas une telle possession d’état.

    Dans son arrêt du 3 février 2016, la Cour dit pour droit que l’article 318, § 2, du Code civil viole l’article 22 de la Constitution, combiné avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, «  en ce qu’il impose à l’enfant âgé de plus de 22 ans un délai d’un an à compter de la découverte du fait que le mari de sa mère n’est pas son père pour intenter une action en contestation de paternité. »

    La Cour estime notamment  que « (…) Dans une procédure judiciaire d’établissement de la filiation, le droit de chacun à l’établissement de sa filiation doit dès lors l’emporter, en principe, sur l’intérêt de la paix des familles et de la sécurité juridique des liens familiaux (…) Même s’il existe ou s’il a existé des liens familiaux, concrétisés par la possession d’état, la disposition en cause porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l’enfant, en raison du court délai de prescription qui pourrait le priver de la possibilité de saisir un juge susceptible de tenir compte des faits établis ainsi que de l’intérêt de toutes les parties concernées.(…)»

    - La seconde question porte sur le caractère absolu de la fin de non-recevoir de l’action en contestation de paternité lorsqu’il y a possession d’état. Précisons que dans le cas ici soumis à la Cour, l’enfant avait laissé perdurer la possession d’état  après avoir appris que le mari de sa mère n’était pas son père biologique. La situation est donc différente de celle visée dans l’arrêt précité du 7 novembre 2013.

    Dans son arrêt du 3 février 2016, la Cour dit pour droit que l’article 318, § 1er, du Code civil viole l’article 22 de la Constitution, combiné avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, « en ce que l’action en contestation de paternité intentée par l’enfant n’est pas recevable si l’enfant a la possession d’état à l’égard du mari de sa mère ».

    La Cour confirme donc sa position du 7 novembre 2013 en précisant que la circonstance que l’enfant ait laissé perdurer la possession d’état après avoir appris que le mari de sa mère n’était pas son père biologique n’est pas de nature à modifier cette position. La Cour estime notamment que : « (…) opposer, même dans une telle hypothèse, une fin de non-recevoir à l’action en contestation de paternité introduite par l’enfant, en raison de l’existence d’une possession d’état entre lui et son père légal, aboutit à empêcher de façon absolue le juge de tenir compte des intérêts de toutes les parties concernées. (…) Par ailleurs, les raisons pour lesquelles un enfant n’a pas cherché à mettre un terme à la possession d’état, à supposer qu’il eût été en mesure de le faire, dès qu’il a appris que le mari de sa mère n’était pas son père, peuvent être multiples. Cette attitude ne peut dès lors être considérée nécessairement comme la manifestation libre et éclairée de la volonté irréversible de cet enfant de voir primer sa filiation légale sur sa filiation biologique. De surcroît, même si l’enfant y avait mis un terme, la possession d’état qui préexistait entre lui et son père légal aurait encore pu aboutir à ce que l’action en contestation de paternité soit déclarée irrecevable.(…) »

    Le Tribunal de la Famille de Bruxelles doit à présent juger si la demande de contestation est recevable ou non, en ayant égard à la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle, aux éléments de l’affaire et à l’intérêt de toutes les parties. S’il estime l’affaire recevable, il pourra juger si la demande est fondée. Si tel est le cas, le père biologique pourra procéder à une reconnaissance volontaire, ou bien la paternité du père biologique pourra être établie judiciairement. 


    Pour toute information supplémentaire, veuillez contacter:
    Larissa De Wulf - Counsel (larissa.dewulf@tiberghien.com)
    Lore Lemmens - Associate (lore.lemmens@tiberghien.com)

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