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jeudi, 22 septembre 2016

Ce qui se passe au Liechtenstein, reste au Liechtenstein... ou pas ?

Alain Van Geel
Murielle Gijbels

Le 29 juillet 2016, le service flamand des décisions anticipées (ci-après : « le SDA flamand ») publiait pour la première fois une décision anticipée portant sur les conséquences, en matière de droits de succession, des distributions effectuées par une fondation de droit liechtensteinois (ci-après « la fondation »)1.  

Les faits présentés au SDA flamand étaient les suivants:

  • Le 6 septembre 2005, une fondation de droit liechtensteinois a été constituée par Y, représenté par L. Selon les demandeurs de la décision anticipée, leur “père” (nécessairement résident flamand) doit être considéré comme le « fondateur économique » de la fondation puisqu’il avait apporté à la fondation une somme d’argent de 30.000 CHF.
  • Le patrimoine de la fondation était détenu auprès d’une institution financière.
  • Les bénéficiaires de la fondation étaient désignés dans un règlement d’ordre intérieur de la fondation sur la base des instructions données au moment de la constitution de la fondation par le fondateur économique. Les bénéficiaires étaient (1) le père, (2) après le décès du père, le fils (et son épouse) et la fille du père, et (3) après le décès des deuxièmes bénéficiaires, les sept petits-enfants du père.
  • Le 23 juillet 2014, ce règlement d’ordre intérieur fut “modifié” à la demande écrite des conseillers de la fondation et avec l’accord des bénéficiaires, par lequel chacun des sept petits-enfants recevrait un montant déterminé et le solde du patrimoine de la  fondation reviendrait par moitiés au fils et à la fille.

Le conseil d’administration souhaitant procéder à la distribution des montants susmentionnés, une demande de décision anticipée a été introduite auprès du SDA flamand pour notamment s’assurer qu’aucun droit de succession ne serait dû sur ces distributions. 

En l’espèce, le SDA flamand a pris les positions suivantes quant à la demande qui lui a été présentée:

  • Les biens transférés à la fondation ne font plus partie du patrimoine et donc de la succession du père :

    Conformément au droit des personnes et des sociétés Liechtensteinois, il est admis, à juste titre, que la fondation est dotée d’une personnalité juridique distincte de sorte que les biens qui lui ont été transférés ne font plus partie du patrimoine et donc de la succession du père.

  • Le transfert de biens meubles à une fondation n’est pas une donation sous condition ou terme suspensif, qui se serait réalisée suite au décès du donateur :

    C’est en outre à juste titre que le transfert n’est pas considéré comme une donation sous condition ou terme suspensif qui se serait réalisée suite au décès du donateur. Ledit transfert n’est dès lors pas assimilé à un legs de sorte qu’aucun droit de succession n’est dû sur cette base.

  • Les transferts effectués par le père à la fondation sont à qualifier de donations à cette dernière. La « période de trois ans » s’applique donc :

    Si des transferts, n’ayant pas été soumis aux droits de donation en Belgique, ont été effectués  par le père à la fondation dans les trois ans avant son décès, lesdits transferts sont soumis aux droits de succession.

    La décision anticipée considère sur ce point que les héritiers ou légataires ont un droit de recours envers le bénéficiaire d’une telle donation non-enregistrée pour les droits de succession qu’ils auraient acquittés sur ces biens. En effet, depuis le 1er janvier 2015, les héritiers et légataires ne sont plus tenus de payer les droits de succession sur les donations faites par le donateur dans les trois avant son décès s’ils (ou l’administration fiscale flamande) démontrent qui est le bénéficiaire de la donation. Si un transfert non-enregistré à la fondation a eu lieu dans les trois ans avant le décès du père, la fondation serait donc tenue de payer les droits de succession dus sur ce transfert (modification de l’article 3.10.4.3.1, alinéa 3 du Code Flamand de la Fiscalité). 

  • Des droits de succession sont dus suite aux distributions effectuées par la fondation, et ce sur la base d’une stipulation pour autrui :

    Les montants qui pourraient revenir gratuitement à une personne dans les trois ans avant le décès du défunt ou après le décès du défunt suite à un contrat conclu par le défunt qui contient une stipulation au profit de cette personne, sont – en vertu de la fiction légale – considérés être perçus à titre de legs par cette personne et sont dès lors imposables aux droits de succession.

    A cet égard, la décision anticipée mentionne d’abord que la fondation a,  en l’espèce, un caractère discrétionnaire puisque le conseil d’administration de la fondation décide quelles sommes seront distribuées, à quel moment et dans quelle proportion.

    Cependant, il ne peut, selon le SDA flamand, être nié que les bénéficiaires étaient bel et bien désignés par le « fondateur économique ». Cela ressort, selon le SDA, clairement du Règlement d’ordre intérieur dans lequel il est question d’instructions données au moment de la constitution de la fondation par le fondateur économique (“op basis van de bij de oprichting van de stichting door de economische oprichter gegeven instructies…”). C’est sur la base de cette phrase que le SDA conclut qu’il y a incontestablement un contrat entre le commettant et la personne mandatée pour constituer la fondation en son nom. Enfin, selon le SDA, ce contrat (ou une soi-disant ‘Letter of Wishes’) est la première étape habituelle lors de la constitution d’une fondation (liechtensteinoise) dans lequel le fondateur économique détermine à qui et de quelle façon la fondation doit consentir les distributions.

    Selon le SDA flamand, le Règlement d’ordre intérieur démontre donc l’existence d’un contrat dans lequel une clause faite par le défunt en faveur des bénéficiaires est reprise, ou autrement dit, une stipulation pour autrui. Les bénéficiaires doivent dès lors, selon la position du SDA flamand, lorsqu’une distribution leur est accordée par la fondation, introduire une déclaration de succession complémentaire et s’acquitter des droits de succession sur les sommes distribuées.

    Ainsi, le SDA flamand prend une position diamétralement opposée à celle du SDA fédéral. A l’époque, le SDA fédéral avait en effet confirmé dans deux décisions anticipées que le transfert à une fondation Liechtensteinoise est un acte juridique unilatéral ne pouvant pas être considéré comme un contrat. Les distributions postérieures ne s’effectuent dès lors pas sur la base d’une stipulation pour autrui mais cadrent dans la réalisation de l’objet social de la  fondation liechtensteinoise. Le SDA fédéral y ajoutait en outre que la fiction légale de la stipulation pour autrui n’est pas applicable puisque la décision d’effectuer une distribution est prise de manière autonome par les organes compétents de la fondation, dans le cadre de la réalisation de son objet social2.

Il existe bien entendu de solides arguments juridiques qui peuvent être avancés contre l’interprétation faite par le SDA flamand, notamment sur la base (i) des décisions anticipées du SDA fédéral, (ii) du fonctionnement concret de la fondation en droit liechtensteinois (par exemple en ce qui concerne la valeur juridique d’un règlement d’ordre intérieur interne) et (iii) des règles en matière des droits de succession  (y-a-t-il un  contrat et de par ce fait stipulation pour autrui). De plus, la décision du SDA flamand n’aborde nullement comment les droits de succession éventuellement dus par la fondation seraient imputés sur les droits de succession dont les bénéficiaires seraient redevables suite à une distribution.

Si vous êtes fondateur ou bénéficiaire d’une fondation (liechtensteinoise), nous sommes bien entendu à votre disposition pour examiner avec vous l’impact éventuel de cette décision du SDA flamand. 

L’adage “ce qui passe à … reste à …” ne semble plus valoir pour les bénéficiaires percevant des distributions d’une fondation liechtensteinoise, constituée par un résident flamand.

__________________________

1 Décision anticipée n° 16025 dd. 27 juin 2006, publiée le 29 juillet 2016 (publiée en néerlandais uniquement).
2 Décision anticipée n° 2011.275 dd. 29 novembre 2011; Décision anticipée n° 2014.543 dd. 09 décembre 2014.

Alain Van Geel
Murielle Gijbels

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