Régime actuel
La location de biens immobiliers est en principe exonérée de TVA. Toutefois, il existe un certain nombre d'exceptions à cette exemption, notamment en cas de location d’un logement meublé dans des hôtels, des motels et des établissements où sont logés des hôtes payants. Ces services sont alors soumis à la TVA, mais peuvent en principe bénéficier d'un taux de TVA réduit de 6%. Par ailleurs, les prestataires de ce type de services peuvent entièrement déduire TVA sur les coûts encourus à l’entrée.
La location d'un logement meublé soumise à TVA n'est actuellement pas limitée aux hôtels et motels stricto sensu. C’est également accepté par l'Administration pour les établissements similaires qui mettent systématiquement un logement meublé à la disposition de chaque client pour un prix global et qui, outre l'accueil sur place (physique ou numérique), fournissent au moins l'un des services supplémentaires suivants : services de nettoyage, fourniture et remplacement du linge de maison ou fourniture du petit-déjeuner.
Dans la pratique, sur la base des directives administratives actuelles, de nombreux appartements sont loués en étant soumis à la TVA (ce que l'on appelle les appart-hôtels) et il existe également certaines structures résidentielles (par exemple pour les personnes âgées) où les logements meublés sont loués en étant soumis à la TVA.
Proposition de modification
Le Gouvernement souhaite limiter considérablement l'exception à l'exemption de la TVA pour les logements meublés. Dans un premier temps, il était prévu de ne plus rendre possible la location sous régime TVA pour les chambres d'étudiants seulement. Cependant, suite aux recommandations du Conseil d'Etat, cela a été étendu à toutes les formes de logements meublés loués pour une période plus longue (de 3 mois ou plus). Plus précisément, le projet de loi propose de formuler l'exception comme suit :
« - la fourniture, pour une durée inférieure à trois mois, de logements meublés dans les hôtels et les motels et dans les établissements ayant une fonction similaire où sont hébergés habituellement pour une durée inférieure à trois mois des hôtes payants à moins que ces établissements ne rendent aucun des services connexes suivants: assurer la réception physique des hôtes, la mise à disposition du linge de maison et, lorsque les logements meublés sont fournis pour une période de plus d’une semaine, le remplacement de ce linge de maison au moins une fois par semaine et la fourniture quotidienne du petit-déjeuner, par l’exploitant du logement ou par un tiers pour son compte ; »
En d'autres termes, tout ce qui est loué pour une période de 3 mois ou plus sera en principe couvert par l'exemption de TVA. Lorsque le logement meublé est loué pour une période inférieure à 3 mois, une distinction doit être faite : pour les véritables hôtels et motels, la prestation sera dans tous les cas soumise à la TVA, tandis que pour les « établissements ayant une fonction similaire », elle ne sera soumise à la TVA que si au moins un des services suivants est fourni : l'accueil physique des clients, la fourniture du linge de maison et, lorsque le logement meublé est fourni pour une période supérieure à une semaine, le remplacement du linge au moins une fois par semaine, et la fourniture quotidienne du petit déjeuner. Précisons qu’il est indifférent que ces services soient fournis par le fournisseur de logement lui-même ou par un tiers en son nom.
L'entrée en vigueur de la modification du Code de la TVA est prévue pour le 1er juillet 2022.
Conséquences pratiques du projet de loi
L'impact de la modification proposée ne doit pas être sous-estimé. En effet, aucune disposition transitoire n'est prévue pour les exploitants d'appart-hôtels ou d'autres formes de logements meublés actuellement en location pour une période supérieure à 3 mois.
Dans ce contexte, l’on peut se demander si la nouvelle disposition pourra résister à l'épreuve de la confrontation avec les normes supérieures, devant la Cour de justice de l’UE et/ou la Cour constitutionnelle. La période de 3 mois prise comme point de référence semble plutôt courte dans certaines circonstances. A titre d’exemple, la Cour de justice a jugé le régime allemand – similaire au belge – conforme au droit européen de l’UE mais la période maximale de location prise en référence était là de 6 mois. De même, pour la location à court terme obligatoirement soumise à la TVA, la durée maximale de location est de 6 mois. Dans le cas présent, le Gouvernement justifie la période de 3 mois en déclarant qu'il s'agit de la « durée maximale généralement admise en ce qui concerne le logement touristique ». Pour ce faire, elle se réfère à l'ordonnance de Bruxelles relative à l'hébergement touristique, qui définit le touriste comme une personne qui passe au moins une nuit dans un lieu autre que son environnement habituel et ce pour une durée maximale de 90 jours.
Si le projet de loi est adopté, à partir du 1er juillet 2022, les exploitants de logements de longue durée, comme les appart-hôtels, devront exonérer de TVA les locations de plus de 3 mois, ce qui fera d’eux des assujettis mixtes, voire totalement exonérés de TVA. Par conséquent, ils ne pourront pas exercer, ou seulement partiellement, leur droit à déduction de la TVA sur les dépenses encourues à l’entrée et liées aux chambres louées (frais de réalisation de la chambre, frais d'entretien, etc.). En outre, les coûts d'établissement et les coûts des travaux de transformation et d'amélioration sont soumis à une période de révision de la TVA de 15 et 5 ans, respectivement. Concrètement, cela signifie que si la période de révision n'est pas encore totalement écoulée au 1er juillet 2022, les exploitants qui verront leur statut TVA modifié devront rembourser à l'Etat belge une partie de la TVA déduite par le passé, au prorata de la période non encore écoulée (X/5ème ou X/15ème, selon les coûts concernés).
Le projet de loi n'a pas encore été adopté par la Chambre, mais il devrait en principe passé. Nous recommandons aux exploitants d'appart-hôtels et d'autres établissements où des logements meublés sont loués pour une période dépassant généralement 3 mois (comme les logements qui prévoient des soins résidentiels pour personnes âgées) de faire anticipativement le point sur les conséquences possibles de l’adoption du projet de loi. Les prestataires de services qui risquent d'être confrontés à un ajustement négatif substantiel de la TVA – par le biais de la révision TVA – pourront éventuellement souhaiter examiner l’opportunité d’introduire un recours contre l'amendement de la loi (si le projet est adopté).
Si vous avez des questions à ce sujet, n'hésitez pas à prendre contact avec votre personne de contact chez Tiberghien ou avec l'un des membres de l'équipe TVA de Tiberghien.
Stijn Vastmans - Partner (stijn.vastmans@tiberghien.com)
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