1. Qui ?
Les projets de textes initiaux indiquaient déjà que le nouvel impôt sur les plus-values s'appliquerait à l'impôt des personnes physiques (projet d'article 90, premier alinéa, 9° du CIR 92) et à l'impôt des personnes morales (entre autres, les asbl belges et internationales, les fondations privées, les universités, etc.)
Une exception serait prévue pour les entités agréées comme pouvant recevoir des dons fiscalement déductibles (énumérées à l'article 14533, § 1 du CIR 92). Celles-ci seraient donc exonérées, contrairement, par exemple, aux fondations purement privées qui ne bénéficient pas d'un tel agrément. Le champ d'application de l'impôt des personnes morales est également étendu aux associations visées à l'article 220, 4° du CIR 92 : cette catégorie a été introduite avec effet au 1er janvier 2018 et concerne les associations sans personnalité juridique qui optent pour l'assujettissement à l'impôt des personnes morales (notamment afin d’éviter la taxation par transparence dans le cadre de la taxe Caïman).
L'exposé des motifs confirme explicitement que les plus-values sur actifs financiers qui ont été certifiés conformément à la loi relative à la certification des titres doivent toujours être imposées de manière transparente au nom des détenteurs de ces certificats. En d'autres termes, il n'y a pas d'impôt sur les plus-values au niveau de la structure, mais éventuellement au niveau des détenteurs de certificats.
2. Quoi ?
L’impôt sur les plus-values serait applicable aux plus-values réalisées à l’occasion de (i) la cession à titre onéreux d’(ii) actifs financiers.
Contrairement au projet précédent, la notion de "gestion normale du patrimoine privé" serait maintenue. Ainsi, les plus-values sur les actifs financiers réalisées dans le cadre d'une opération relevant de la gestion normale du patrimoine privé seront en principe soumises à une imposition de 10 %.
2.1 Actifs financiers
Le terme "actifs financiers" serait défini à l'article 92, §1 du CIR 92 et comprendrait quatre catégories distinctes :
- les instruments financiers ;
- certains contrats d'assurance ;
- les cryptoactifs (y compris les jetons non échangeables qui peuvent être utilisés à des fins de paiement ou d'investissement) ; et
- les devises (y compris l'or d'investissement).
Les instruments financiers comprendraient les actions cotées et non cotées, les obligations, les instruments du marché monétaire, les produits dérivés (contrats à terme, swaps, options, etc.), les parts d'organismes de placement collectif, les ETF (trackers), les droits d'émission, etc.
Les produits d'assurance comprennent les assurances épargne (branche 21, branche 26) et les assurances investissement (branche 23), à condition qu'ils ne soient pas imposables en tant que revenus mobiliers ou professionnels à la date de leur rachat. Les polices d'assurance étrangères similaires sont également soumises à l'impôt sur les plus-values.
Certains actifs financiers ne seraient pas soumis à cet impôt sur les plus-values car ils ont déjà fait l'objet d'un régime fiscal spécifique (imposition en tant que revenus mobiliers, revenus professionnels ou soumis à la taxe sur l'épargne à long terme (article 184 du Code des droits et taxes divers). Les revenus d'actifs financiers visés à l'article 145/1, 1°, 1°bis, 2°, 4° et 5° du CIR 92 seraient exonérés. Ainsi, les assurances groupe, les produits de pension complémentaire, les assurances-vie (dans le cadre de l'épargne à long terme), etc. ne seraient pas soumis à l’impôt sur les plus-values de 10 %.
Alors qu'elles étaient encore exonérées à l'origine, les actions pour lesquelles un allégement fiscal a été accordé aux jeunes entreprises et aux petites sociétés seront désormais soumises à l'impôt sur les plus-values.
2.2 Transmission à titre onéreux
Règle de base
Le régime ne s'appliquerait que lorsqu'une plus-value résultant d'une cession à titre onéreux est réalisée en dehors de l'activité professionnelle et dans le cadre de la gestion normale du patrimoine privé (pas de spéculation) (projet d'art. 90, 1er alinéa, 9° CIR 92). Le cédant doit recevoir un prix en échange des actifs financiers qu'il cède.
Par conséquent, les donations, les transferts de biens par décès (via la succession légale ou le testament), les sorties d'indivision ou les apports dans la communauté matrimoniale ne donneront pas lieu à l’application du nouvel impôt sur les plus-values.
Que se passe-t-il si, après la donation, le bénéficiaire vend les actions qui lui ont été données ? À ce moment-là, le donataire doit payer l'impôt sur la plus-value calculé par rapport à la valeur d'acquisition du donateur initial. En cas de donation, il n'y a donc pas de paiement immédiat, mais l'impôt n'est dû que lorsque le bénéficiaire réalise la plus-value. C'est d'ailleurs déjà le cas dans la législation actuelle (pour les rares situations où les plus-values sont imposables en vertu de la législation actuelle).
Assimilations
Par ailleurs, deux événements semblent être assimilés à une cession à titre onéreux pour l'application de l’impôt sur les plus-values (projet d'art. 92, §2 du CIR 92) :
- L’attribution du vivant (uniquement) de l'assuré, des capitaux et valeurs de rachat résultant de contrats d'assurance vie et d'opérations de capitalisation. La distribution en cas de décès ou en cas de modification entre fonds d'investissement ou assurances ne déclencherait pas l'impôt sur la plus-value.
- Transfert par un contribuable de son domicile fiscal ou du siège de sa fortune à l'étranger (exit taxe). Le régime vise à taxer les plus-values latentes qui existent au moment de l'émigration.
En principe, une émigration entraîne la réalisation d'une plus-value imposable, et la fixation de l'impôt dû. À cet égard, un régime différent s'applique selon le « lieu » où l'on déménage.- Dans le pays de l'UE/EEE/CPDI : un report automatique de l'impôt est prévu en cas d'émigration vers un Etat membre de l'UE ou de l'EEE ou vers un Etat avec lequel la Belgique a conclu une convention préventive de la double imposition prévoyant l'échange de renseignements et l'assistance mutuelle en matière de recouvrement (art. 413/1, §6 du CIR 92).
- Pays non-membre de l'UE/EEE/CPDI : le report de paiement est accordé sur demande moyennant la constitution d'une garantie dans le cadre d'un accord à cet effet.
- Dans les deux cas, le report prend fin si les actifs financiers sont transférés à titre onéreux ou s'ils font l'objet d'un contrat de garantie relatif aux instruments financiers concernés.
- Si, au cours de cette période de deux ans, le contribuable transfère à nouveau sa résidence dans un pays hors de l'UE, de l'EEE ou dans un pays n'ayant pas conclu de convention préventive de la double imposition avec la Belgique, le report sur demande peut encore être accordé si la garantie susmentionnée est fournie.
- Il convient de noter qu'en principe, le contribuable doit attester chaque année qu'il remplit toujours les conditions requises pour bénéficier du report de paiement.
L'obligation de paiement de l’exit taxe expirerait après deux ans ou si le contribuable revient en Belgique dans les deux ans.
Cette nouvelle version plus souple de l’impôt de sortie est un assouplissement bienvenu par rapport aux propositions initiales qui allaient beaucoup plus loin. Toutefois, le risque de double imposition subsiste avec l’impôt de sortie de 30 % en cas de transfert de siège.
- Il convient de noter qu'en principe, le contribuable doit attester chaque année qu'il remplit toujours les conditions requises pour bénéficier du report de paiement.
Step up lors de l'immigration
Contrairement aux projets précédents, un transfert (à titre gratuit) à un contribuable non-résident ne sera plus assimilé à un transfert à titre onéreux (sauf en cas d'abus fiscal). C'est une bonne chose.
En cas d'immigration d'un contribuable (ou de son prédécesseur) en Belgique, un step-up est en principe prévu (projet d'article 102, §3 du CIR 92). C'est une bonne chose en soi : sinon, une double imposition indésirable pourrait survenir si un résident immigre d'un pays qui applique également une exit taxe.
Les contribuables qui reviennent en Belgique dans les deux ans ne bénéficient pas du step-up. En cas d'imposition à l'étranger pendant cette période de deux ans de séjour à l'étranger, une réduction est prévue de la base imposable sur laquelle une imposition étrangère effective a été prélevée.
Apport
En outre, toutes les plus-values réalisées à la suite d'opérations d'apport sont totalement exonérées (projet d'article 96/2, 4° CIR). Une exception est prévue pour les cas relevant de l'exonération temporaire prévue à l'article 95 du CIR . Cette dernière exonération temporaire peut être invoquée dans le cadre de la législation actuelle en cas de gestion anormale du patrimoine privé. En cas de gestion normale du patrimoine privé, il n'y a donc pas d'exonération temporaire prévue à l'article 96/2, 4° CIR 92, mais une exonération totale, étant entendu que, comme auparavant, une réserve imposable est constituée dans le capital au niveau de la holding. Lors de la distribution ultérieure de dividendes, un impôt de 30 % sera toujours dû. Cela reste un point difficile en cas d'apport d'actions dans des sociétés PME qui ont précédemment constitué des réserves de liquidation et qui, si elles ne les apportent pas, peuvent continuer à constituer des réserves de liquidation sur les bénéfices à réaliser (cf. Tiberghien - Renforcement du régime des holdings ? Pas pour les PME !) De plus, le texte prévoit explicitement que la valeur d'acquisition des actions émises par la société holding lors de l'apport correspond à la valeur d'acquisition des actions initialement détenues (projet d'article 102, §1, troisième alinéa, du CIR 92). Ce n'est pas le cas sous le régime actuel : une réserve imposable est créée dans le capital (distribuable à 30 %), mais en contrepartie, la valeur d'acquisition est actualisée (car la plus-value latente présente lors de l'apport est désormais réalisée, même si elle est exonérée d'impôt).
Usufruit/nue-propriété
Comme prévu dans le texte initial, le nu-propriétaire reste considéré comme le contribuable. Une émigration de l'usufruitier à l'étranger n'entraînera donc pas la réalisation d'une plus-value dans le chef du nu-propriétaire.
3. Régime général de 10 %, régime progressif pour les participations substantielles et régime spécifique de 33 % pour les plus-values internes
Il est prévu (i) un régime général de 10%, (ii) un régime spécial progressif pour les participations substantielles et (iii) un régime dérogatoire pour les plus-values internes (33%). Ces catégories s'excluent mutuellement conformément au principe de la contrainte (qui serait consacré par l'article 96/2, 6° du CIR 92). Toutefois, en cas de gestion anormale du patrimoine privé, c'est ce régime qui prévaut et l'impôt sur les plus-values de 33 % est dû (à majorer des additionnels communaux). Ce n'est qu'en cas de gestion normale du patrimoine privé que les nouvelles règles suivantes s'appliquent :
- Dans le régime général, les plus-values seraient taxées à 10% (projet d'article 90, premier alinéa, 9°, du CIR 92). L'impôt serait en principe prélevé par l'intermédiaire des banques (avec toutefois une possibilité d'opt-out). Une exonération générale de 10.000 euros par contribuable est toutefois prévue (projet d'article 96/2, 2° du CIR 92). Celle-ci serait indexée et cumulable : ceux qui n'utilisent pas l'exonération pourraient reporter chaque fois 1.000 euros sur l'année suivante pendant cinq ans, avec un maximum de 15.000 euros.
L'exonération initiale pour la plus-value sur les actifs financiers détenus pendant au moins 10 ans sans interruption serait supprimée. - Un régime spécial serait prévu pour les contribuables ayant une "participation substantielle" (projet d'article 90, premier alinéa, 9°, b du CIR 92). Très concrètement, ce régime s'appliquerait si, au moment de la réalisation, le contribuable détient au moins 20 % des actions transférées. Initialement, le projet prévoyait une définition plus large qui prenait en compte la détention d'actions au sein de la famille sur une période de 10 ans. Malheureusement, cette définition a été abandonnée, tout comme la référence aux parts bénéficiaires.
Pour une participation substantielle de 20 %, le premier million d'euros de plus-values serait exonéré. Il peut être bénéficié de cette exonération pour son montant total sur une période de cinq ans. Au-delà de 1 million d'euros, le taux passe progressivement à 10 % pour les plus-values réalisées à partir de 10 millions d'euros :
- Lorsque le régime d'exception est d’application, les plus-values internes réalisées par le biais de cessions restent entièrement soumises à un taux d'imposition de 33 % (projet d'art. 90, premier alinéa, 9°, a ITC). Ce régime n'est pas modifié dans les nouveaux projets de textes.
Lorsqu'une plus-value sur actions est réalisée par un contribuable à l'occasion de la cession de ses actions à une société sur laquelle il exerce lui-même ou avec son conjoint ou ses descendants, ses ascendants, ses collatéraux jusqu'au deuxième degré et ceux de son conjoint un contrôle direct ou indirect tel que visé à l'article 1:14 du Code des sociétés et associations, la totalité de la plus-value réalisée serait désormais soumise de plein droit et intégralement à un taux d'imposition distinct de 33 %. Ce texte a été conservé par rapport aux régimes antérieurs qui circulaient.
Prenons l'exemple d'une personne physique X, actionnaire à 100 % d'une société d'exploitation, qui vend ses actions à une société holding dans laquelle X, seul ou avec sa famille proche, détient la majorité des actions et contrôle (conjointement) la société acquéreuse. Il ne devrait pas s'agir d'une vente de 100 % des actions, puisque le seul critère est de savoir si le contrôle est exercé sur la société holding acquéreuse. - Le projet d'exposé des motifs précise également que l'impôt sur les plus-values n'entre en ligne de compte lors du rachat d'actions propres que si, au cours d'un exercice ultérieur, une réduction de valeur est comptabilisée, les actions sont cédées ou détruites, ou la société est dissoute. Dans le cas contraire, il s'agit d'un dividende imposable. Cela correspond à la position prévue dans la circulaire 2017/C/12).
4. Base imposable
La base imposable de l'impôt sur les plus-values serait égale à la différence positive entre le prix reçu pour les actifs financiers transférés et la valeur d'acquisition de ces actifs (projet d'article 102, §1 du CIR 92). Les frais ou les impôts ne seraient pas inclus dans le calcul de l'impôt sur les plus-values.
4.1. Pas de plus-values historiques - règles spéciales pour la détermination de la valeur d'acquisition
Le nouveau régime s'appliquerait aux plus-values réalisées à partir du 1er janvier 2026. Comme les plus-values historiques ne sont pas imposées, des règles spécifiques ont été prévues pour déterminer la valeur au 31 décembre 2025. Ainsi, les plus-values historiques accumulées ne seront pas soumises à la nouvelle taxe sur les plus-values. Exemple : une action est achetée 100 en 2023 et vaut 150 au 31 décembre 2025. Si elle est vendue à 160 en 2026, seuls 10 (160-150) seront soumis à l'impôt sur les plus-values.
Les règles applicables afin de déterminer la valeur à prendre en compte dépendent des différents types d'actifs financiers :
- Pour les actifs financiers cotés en bourse, le dernier cours de clôture de l'année 2025 serait pris en considération (projet d'article 102, §4, 1° CIR 92) ;
- Pour les actifs financiers non cotés, des règles spécifiques seraient prévues pour déterminer la valeur d'acquisition au 31 décembre 2025, la plus élevée des valeurs suivantes étant retenue (projet d'article 102, §4, 2° CIR 92) :
- Valeur utilisée lors d'une cession à titre onéreux entre parties totalement indépendantes, ou lors d'une constitution ou d'une augmentation de capital au cours de l'année 2025 ;
- Valeur résultant d'une formule d'évaluation déjà utilisée dans le cadre d'un contrat ou d'une offre contractuelle d'option de vente (entrée en vigueur le 1er janvier 2026) ;
- Fonds propres augmentés d'un montant égal à 4 fois l'EBITDA, comme le prévoit le Code.
- Valeur utilisée lors d'une cession à titre onéreux entre parties totalement indépendantes, ou lors d'une constitution ou d'une augmentation de capital au cours de l'année 2025 ;
- Le contribuable a la possibilité de prouver lui-même la valeur au moyen d'un rapport établi par un réviseur d'entreprises ou un expert-comptable. Il est précisé que l’expert-comptable ne peut pas être un expert-comptable de la société évaluée. Le contribuable aurait jusqu'à la fin de l'année 2026 pour faire établir ce rapport d'évaluation.
- L'exposé des motifs précise que l'audit de l'évaluation par l'administration sera toujours effectué dans des cas exceptionnels en cas d'évaluation par un expert-comptable ou un réviseur si, par exemple, il y a des indications que l'évaluation n'est pas conforme au marché.
- La question est toutefois de savoir jusqu'à quand l'évaluation peut être contestée. Si une entreprise est vendue en 2046, les autorités fiscales peuvent-elles à ce moment-là contester la valeur initiale au 31 décembre 2025 ? Cela crée une insécurité juridique. Il conviendrait de permettre au contribuable de demander un ruling sur l'évaluation au 31 décembre 2025. Cela suppose toutefois que l'administration fiscale dispose d'un personnel et de capacités suffisants pour procéder à ces évaluations.
- Loi sur les options d'achat d'actions et réduction de prix (projet d'article 102, §1, troisième alinéa CIR 92)
- Pour les actions ou instruments similaires acquis dans le cadre de la loi du 26 mars 1999 sur les options sur actions, la valeur d'acquisition de l'action est déterminée par référence à la valeur au moment de l'exercice de l'option. Pour les options acquises dans le cadre de la loi sur les options sur actions, la valeur d'acquisition de l'option est déterminée par référence à la valeur de marché au moment de l'exercice potentiel de l'option.
- Pour les actions ou les instruments équivalents à des actions reçus avec une réduction de prix en vertu de la loi sur les options sur actions ou autrement, la valeur d'acquisition serait déterminée par référence à la valeur de l'action ou de l'instrument équivalent à l'action au moment de l'acquisition.
Si le contribuable détient plusieurs actifs financiers de même nature, il était initialement prévu de retenir la moyenne pondérée comme valeur d'acquisition. Toutefois, cela a été modifié dans la dernière version : le principe du premier entré, premier sorti (FIFO) serait retenu (projet d'article 102, §1, quatrième alinéa du CIR 92).
Attention, dans le cas où la valeur d'acquisition historique est supérieure à la valeur au 31 décembre 2025, cette valeur d'acquisition supérieure ne pourrait être utilisée que pendant une période de cinq ans. La valeur d'acquisition supérieure ne serait prise en compte que pendant les cinq premières années. Cette disposition est toutefois critiquable (voir ci-dessous).
4.2 Pertes de valeur (historiques)
Toute perte réalisée sur des actifs financiers pourra être déduite (projet d'article 102, §5 ITC) au cours de la même période imposable et de sa même catégorie (catégorie des plus-values internes, catégorie des participations substantielles, catégorie générale ou résiduelle). La moins-value est la différence négative entre le prix reçu en espèces, en titres ou sous toute autre forme pour les actifs financiers cédés et la valeur d'acquisition dans la mesure où cette valeur d'acquisition est prouvée par le contribuable.
Exemple : une action est achetée pour 100 en 2023 et vaut 150 au 31 décembre 2025. En 2026, l'action est vendue à 120. Bien qu'il y ait une plus-value économique de 20 pour la période allant jusqu'au 31 décembre 2025 (120-100), il y a une moins-value fiscale de 30 (150-120) par rapport au moment de référence, qui peut donc logiquement être déduite.
Le calcul de la moins-value repose sur une méthode de calcul particulière basée sur le prix d'acquisition moyen. Cela devrait faciliter des problèmes de preuve.
Une règle particulière s'applique aux actifs financiers acquis avant le 1er janvier 2026. Dans ce cas, la moins-value constitue la différence négative entre le prix reçu et la valeur de ces actifs financiers au 31 décembre 2025. C'est donc le moment de la "photo" qui est utilisé pour déterminer la moins-value. L'idée sous-jacente est probablement que les plus-values historiques sont exonérées et que, par conséquent, les moins-values historiques ne peuvent pas non plus être déduites.
Exemple : un contribuable achète en 2022 une action à 100. Cette action vaut encore 70 au 31 décembre 2025. Il vend l'action en 2026 à 80. Il n'y aura pas d'imposition sur la "plus-value" réalisée de 10 (80 - 70) s'il peut prouver la valeur de 100 d'acquisition. Dans cette situation aucune moins-value ne pourra toutefois être déduite dès lors que la valeur de référence est celle au 31 décembre 2025 (valeur 70) et non la valeur d'acquisition réelle (valeur 100).
Mais supposons que le contribuable vende cette action non pas en 2026, mais en 2031 à 80. Dans ce cas, un impôt sur les plus-values sera dû sur les 10 (80-70), même s'il peut prouver que la valeur d'acquisition à l'époque était de 100. La moins-value effective de 30 (70 - 100) ne sera en outre, pas déductible.
Ceci est critiquable et ne semble pas conforme à l'idée poursuivie de la non-imposition des plus-values historiques. Le contribuable est dans la situation décrite imposé alors qu’il n’a sur le plan économique réalisé aucune plus-value. Si le contribuable est en mesure de prouver sa valeur d’achat, pourquoi ne serait-il pas autorisé à fournir la contre-preuve qu'il n'a réalisé aucune plus-value ? A notre avis, la limitation au 31 décembre 2030 est difficilement justifiable.
5. Les discussions se poursuivent sur la gestion anormale des actifs financiers, l'ajustement de l’imposition de 16,5 % en cas de transfert d'actions à une entité juridique hors EEE, et le maintien de la taxe Reynders.
Les textes précédents visaient à simplifier la fiscalité en supprimant la discussion sur la gestion anormale du patrimoine privé, la taxe de 16,5 % en cas de transfert d'actions vers une société hors EEE et des taxes Reynders. Après de nombreux débats politiques, tous ces éléments ont tout de même été maintenus.
- La discussion sur la gestion anormale du patrimoine privé dans le cadre des actifs financiers sera maintenue. Si la plus-value est réalisée dans le cadre de la gestion normale du patrimoine privé, l'impôt sur les plus-values de 10 % sera en principe dû (sauf pour les plus-values internes ou les ventes à des sociétés hors EEE, auquel cas d'autres taux s'appliquent). Les plus-values réalisées en dehors de la gestion normale du patrimoine privé du contribuable resteraient donc soumises au taux d'imposition de 33 %. Le maintien du régime des plus-values internes rend la réglementation particulièrement complexe et, à notre avis, risque de donner lieu à de nombreuses discussions entre le contribuable et l'administration fiscale.
- De même, la taxe de 16,5 % sur les ventes d'une participation substantielle à une société non-membre de l'EEE, qui avait été initialement supprimée, est maintenant maintenue, bien que sous une forme modifiée. Cette taxe est considérée comme une catégorie spéciale de participation substantielle dans les nouveaux textes (inclus dans le nouvel article 90, premier paragraphe, 9° b) du CIR 92). Dorénavant, une condition de participation par contribuable de 20% sera appliquée (par opposition à la condition de participation actuelle de 25%, qui incluait également les participations des membres de la famille jusqu'au deuxième degré). En outre, de facto, seuls les transferts (ventes) seront taxés et non plus les apports (qui sont exonérés). En outre, l'exonération d'un million s'applique également, mais pas les taux réduits pour les plus-values entre 1 et 10 millions d'euros. La question se pose de savoir si ce dispositif est conforme au droit de l'UE : par exemple, la libre circulation des capitaux s'applique également aux transactions avec des pays tiers (c'est-à-dire n'appartenant pas à l'EEE). La discrimination et le traitement moins favorable des transferts de participations à des entités juridiques n'appartenant pas à l'EEE ne nous semblent pas conformes à l'UE.
Résurrection de la taxe Reynders
Contrairement à ce qui a été suggéré précédemment, la taxe Reynders (article 19bis du CIR 92) ne serait finalement pas supprimée. Cette taxe, applicable aux fonds investissant plus de 10 % dans des créances et des instruments de dette, serait combinée à la taxe de 10 % sur les plus-values. L'objectif serait de soumettre la partie de la plus-value liée à la composante intérêts du fonds à la taxe Reynders (allégée ?). Le reste de la plus-value serait alors soumis à l'impôt sur les plus-values de 10 %. Cette nouvelle confluence fiscale est susceptible de créer une fiscalité des investissements encore plus complexe.
Une question importante qui se pose est de savoir si le législateur a l'intention de réformer l'article 19bis CIR 92 pour couvrir uniquement les revenus d'intérêts réels des fonds obligataires. Cela serait logique, car la partie des plus-values résultant des plus-values sous-jacentes sur les obligations relèverait alors plutôt du nouvel impôt sur les plus-values, en particulier compte tenu de la différence significative de taux (30 % au titre de la section 19bis CII contre 10 % au titre de l'impôt sur les plus-values).
Si tel est bien le cas, la question se pose de savoir comment sera calculée la base imposable forfaitaire au titre de l'article 19bis CIR 92. Dans le système actuel, la plus-value totale est multipliée par le "asset test”. Ce calcul simple est possible parce que non seulement les intérêts, mais aussi les plus-values et les moins-values sur les créances et les titres de créance sont inclus dans la base imposable.
Si l'article 19bis CIR 92 ne devait taxer que les intérêts sous-jacents, on pourrait par exemple passer à un système d'intérêts forfaitaires. Toutefois, cela entraînerait une complexité considérable et des résultats éventuellement arbitraires, certains contribuables se voyant appliquer une base d'imposition plus élevée que les intérêts qu'ils ont réellement perçus.
Une autre solution consiste à laisser l'article 19bis CIR 92 dans sa forme actuelle et à n'inclure dans l'impôt sur les plus-values que les plus-values sous-jacentes résultant d'investissements autres que les créances et les titres de créance effectués par le fonds. Supposons, par exemple, un fonds mixte dont l'actif est composé à 30 % d'obligations et de créances et à 70 % « d'autres investissements » (il peut s'agir, par exemple, d'actions, mais aussi d'autres éléments tels que certains produits dérivés). Une plus-value de 100 euros serait alors imposable à 30 % au titre de la taxe Reynders, et 70 euros seraient imposables au titre de la taxe sur les plus-values au taux de 10 % (alors que les 70 % sont exonérés en vertu des règles actuelles). Quel que soit le résultat final du législateur, une chose est sûre à notre avis : il faudra également prévoir une base imposable fixe (relativement facile à calculer). Si l'imposition de la composante intérêts pour tous les fonds est basée sur le "TIS réel", la loi risque de devenir "impraticable" pour le contribuable dans de nombreux cas (et en particulier pour les fonds étrangers). Ce qui, en fin de compte, n'est pas une bonne nouvelle pour le Trésor. Du moins, pas si nos cours et tribunaux continuent à appliquer "in fiscalibus" le vieil adage "ad impossibilem nemo tenetur".
6. Retenue à la source via le précompte mobilier - Opt-out
Dans le régime général, la nouvelle taxe sur les plus-values serait en principe retenue par voie de précompte mobilier via des intermédiaires établis en Belgique (projet d'article 261, premier alinéa, 5° CIR 92 et projet d'article 269, §1, 5° CIR 92). L'exonération de base de 10.000 € peut alors être demandée via la déclaration d'impôts, à condition au moins que toutes les plus-values réalisées par le contribuable soient déclarées. De cette manière, une autre ouverture est laissée pour sauvegarder ce que l'on appelle la discrétion, même si cette discrétion s'accompagne de la perte des exemptions.
A noter que le régime modifié prévoit actuellement une possibilité d'opt-out : le contribuable peut choisir de ne pas soumettre à la retenue à la source les plus-values réalisées sur des actifs financiers. Le contribuable doit expressément opter, de même que tous les autres titulaires de comptes-titres, et en informer toutes les institutions bancaires ou financières soumises au précompte mobilier. Les modalités doivent encore être précisées par arrêté royal.
7. Obligation de notification pour les conseillers (art. 326bis CIR 92)
Une particularité est l'introduction d'une obligation de notification des plus-values internes et des transactions relatives à des participations substantielles. La réglementation s'inspire des principes DAC6 qui introduisent une obligation de notification pour les dispositifs transfrontières de certains intermédiaires. Il prévoit un régime d'exemption pour les détenteurs du secret professionnel et fait référence, dans l'exposé des motifs, à la jurisprudence récente de la Cour de justice de l’Union euroépenne et de la Cour constitutionnelle sur le renforcement du secret professionnel des avocats. Il reste à voir si ce règlement respecte correctement le secret professionnel, comme cela a déjà été le cas avec la directive DAC6.
8. Que se passera-t-il ensuite ?
La règlementation est devenue extrêmement complexe par rapport aux textes initiaux qui circulaient. Si les grandes lignes étaient auparavant perçues comme raisonnables (du moins en ce qui concerne le taux de base de 10 % appliqué), une plus grande insécurité juridique est aujourd'hui créée en maintenant par exemple le régime de la gestion anormale du patrimoine privé ou la possibilité de remettre en cause l'évaluation appliquée au 31 décembre 2025.
Il n'est donc pas question de simplification fiscale. Sur certains points - en raison du patchwork fiscal créé aujourd'hui - on constate des discriminations possibles qui pourraient donner lieu à des discussions devant la Cour constitutionnelle.
En outre, la question est de savoir si les ajustements apportés par rapport au texte précédemment diffusé conduiront effectivement à une augmentation des recettes fiscales. Il y a fort à parier que ce ne sera pas le cas.
Le résultat final est un nouveau "compromis à la belge".
Les derniers textes doivent encore être validés politiquement et approuvés par le gouvernement. Bien entendu, le Conseil d'État doit encore donner son avis. Ce n'est qu'ensuite qu'ils pourront être déposés au Parlement.
A suivre.